| Jazz moderne |
Né en 1978 d’une mère costumière et du violoniste du combo free jazz Bratsch (Bruno), le contrebassiste Théo Girard débuta son apprentissage musical par la pratique du piano dès l’âge de six ans, avant d’opter une décennie plus tard pour son instrument de prédilection. À l’occasion de son quatrième album depuis 2019, ce musicien éclectique nous revient au sein de l’ensemble transatlantique Mobke (contraction de son Montreuil de résidence avec le Brooklyn d’où proviennent le saxophoniste Nick Lyons et la batteuse sino-américaine Lesley Mok). Complétant ce line-up, la pianiste Sophia Domancich (pilier du label PeeWee et du studio Sextan, où fut enregistré ce disque en décembre 2022) prodigue son contrepoint harmonique au flux de ses comparses. S’ouvrant sur l’atmosphérique “La Chose”, où les ivoires de cette dernière accompagnent le pattern placide que lui impriment les cordes de la grand-mère et les maillets de Mok, les anches de Lyons y dessinent des volutes comme en suspens, rappelant l’approche d’un Elton Dean, ou encore celle de Didier Malherbe au sein de son Hadouk Trio. Mené cette fois par le piano alerte de Sophia, l’alerte “On Se Lève Et On Se Casse” (en référence à la fameuse protestation énoncée par l’actrice Adèle Haenel lors de la controversée cérémonie des Césars 2020) emprunte une rythmique bop pour une cavalcade évoquant au départ les ruades percussives d’un Cecil Taylor, avant que le sax alto n’y calme progressivement le jeu. C’est à ce dernier qu’il échoit d’introduire en solo le chaloupé “Un Chemin Tortueux N’est Pas Forcément Plus Long”, avant que piano et contrebasse ne l’y rejoignent, bientôt suivis de la batterie. Sophia ne tarde pas à y reprendre son envol, en une cascade de phrases exécutées de la dextre avant que Nick et Lesley ne lui reprennent le flambeau. La plage titulaire assume idéalement sa description: s’ouvrant sur des ivoires hiératiques, elle se constelle de cordes frottées vrombissantes et de chuintements de sax, tandis que Sophia y persiste dans la veine parcimonieuse d’un Satie. Théo entame à l’archet “Presque”, pièce la plus longue de ce recueil, où il duettise longuement avec une Domancich rappelant par moments les digressions d’un Bill Evans, avant que Lyons ne les rejoigne sur un mode coltranien. C’est encore lui qui introduit ensuite le révélateur “Plus Qu’une Influence”, qu’il débute à son tour en duo avec la contrebasse, avant que les baguettes de Mok ne les rejoignent, précédant une Domancich toujours en embuscade. Nos partners in crime concluent ce recueil par une “Improvisation” dont la facture ne se distingue pourtant guère de ses prédécesseuses, réputées écrites. En constant équilibre entre rupture et harmonie (de même qu’entre composition et spontanéité), voici un album exigeant et d’une constante musicalité, traduisant la complicité patente d’instrumentistes toujours aux aguets.
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, November 7th 2025
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En concert:
Vendredi 7 novembre 2025 à Charleville-Mézières (Charleville Action Jazz)
Samedi 8 novembre 2025 à Châlon-sur-Saône (L’Évadée)