THE WHO – Tommy Live At The Royal Albert Hall

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Au risque de paraphraser Jacquouille la Fripouille dans “Les Visiteurs”, on est de prime abord tenté de s’exclamer “Mais qu’est-ce que c’est que ce binsse?!!”. En effet, le sticker annonce que “pour la première fois de leur carrière, les Who interprètent sur scène “Tommy” dans son intégralité”. Et nous qui croyions benoîtement qu’ils l’avaient fait jusqu’à plus soif durant les trois années qui suivirent la sortie de l’album initial. Et de même au Royal Albert Hall (déjà) en 72, dans la version symphonique produite par Lou Reizner. Du coup, je me renseigne et vérifie: ni dans l’édition Legacy-Deluxe-Extended de “Live At Leeds”, ni dans le live de 1970 sur l’Ile de Wight, ni même sur le récemment exhumé concert de Hull la même année, ne fut effectivement interprêté l’ensemble total, complet et exhaustif, des titres du double LP en question. Oh, il s’en est souvent fallu de peu (“Cousin Kevin” et “Underture”), mais non, aussi incrédible que cela puisse paraître, l’intégrale de “Tommy” ne fut jusqu’à nos jours jamais réellement performée live par ses auteurs. Maintenant, près d’un demi-siècle après sa conception, qu’est-ce qu’on peut bien en avoir à battre, que les rescapés quasi-séniles de ce quartette qui incarna jadis le parangon de la modernité se répandent sans pudeur à célébrer cet avatar des seventies alors en devenir? “Tommy” annonçait en effet presque tout ce qui allait mal vieillir au cours des années 70: Moebius, Bilal, Caza et Druillet pour les arts graphiques, mais surtout, Genesis, Yes et Pink Floyd avec leurs concepts mégalo-foireux pour complexes sportifs à gogos. Tout ce qui allait justifier le punk et ses excès révisionnistes, en somme. Ce n’est que quarante ans après les Sex-Pistols, justement, qu’après avoir adoubé une version cabaret de “Tommy” à Broadway, ce névrosé notoire de Pete Townshend se résoud à en rétablir le livret initial dans son orchestration d’origine.
Capté en avril dernier, ce concert au profit du Teenage Cancer Trust (dont Daltrey est parrain officiel) ne confirme au final que trois choses:
a) Pino Palladino n’était qu’un usurpateur, dans le rôle du toujours regretté John Entwistle, puisqu’un dénommé Jon Button le supplante aisément en la circonstace,
b) Zak Starkey s’avère plus que jamais la rock-machine ultime pour suppléer Keith Moon durant ses vacances prolongées,
et c) Roger Daltrey devrait enregistrer un autre album avec Wilko Johnson plutôt que de persister à se commettre avec ce sosie de Jean-Pierre Marielle qui s’obstine à se prétendre l’auteur d’hymnes générationnels, en des temps immémoriaux. Ce n’est pas parce que Townshend se prend pour Don Quichotte depuis un demi-siècle que Daltrey doit forcément continuer à endosser le rôle de Sancho Pança. “Hope I die before I get old”, qu’ils disaient… On a parfois ici l’impression saugrenue de suprendre ses grands-parents en train de faire l’amour. Faut-il rappeler que ces deux histrions accusent déjà 72 printemps au compteur? O tempora, O mores.
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Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder
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THE WHO – “Tommy Live At The Royal Albert Hall” – Un album Eagle Rock Entertainment