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Que reste-t-il des Rolling Stones en 2016…? Voilà une question que l’on imaginait relever des hagiographies, mais qui se conjugue cependant, contre vents et marées, toujours au présent. Ils eurent beau revenir jouer Azincourt à Hyde Park après nous avoir fait la tournée des 50 piges, ils ne peuvent s’empêcher de s’inviter encore dans l’actualité. Le 25 mars dernier, ils jouaient donc à La Havane, s’immisçant avec opportunisme dans le réchauffement des relations entre Cuba et l’Oncle Sam. Le mois dernier, ils se produisaient dans le Desert Trip Festival auprès de gloires de leur époque, et on annonce même un album de blues pour Noël. Là où ils se trouvent, les restes de Brian Jones ne doivent plus ressembler à grand chose, tandis que leur monument aux morts ne cesse de s’allonger: après Nicky Hopkins, Ian Stewart et Ian McLagan, le fidèle Bobby Keyes ne vient-il pas d’ajouter son nom à la liste? Quant au virtuose Mick Taylor, il est désormais aigri, bouffi et ruiné, tandis que ce bon vieux Bill célèbre dignement son 80ème anniversaire. Alors la question persiste: les Stones, combien de divisions? Si l’on écarte d’emblée les deux piverts faisant office de guitaristes (Mère Teresa et Woody Woodpecker), ne demeurent en poste que Charlie et le Jag: la tête et la queue, comme un avion sans ailes. Heureusement, ces cacochymes se trouvent épaulés par une ribambelle de supplétifs. Avec son look de brave crapaud-buffle, Darryl Jones s’avère sans doute leur meilleure recrue des récentes décennies, de même qu’un Chuck Leavell qui n’en aspirait sans doute pas tant. À Cuba, devant plus d’un million de badauds selon la police, ils se transforment à nouveau en un rutilant juke-box géant, enfilant comme à la parade une des multiples combinaisons de leur Greatest Hits. Pour l’occasion, les siamois des six cordes ont daigné accorder leurs instruments, mais ce qui frappe le plus, c’est cette inextinguible appétit que conserve Jagger de manipuler les foules. D’où qu’il ait pu vaguement suivre l’événement, Fidel Castro a du s’en mordre le képi: si le Mick avait été réellement révolutionnaire, la face du monde en eût été profondément bouleversée.
A mon tour de ne pas résister au besoin de parler un peu de ce CD/DVD Live. Alors qu’ils n’hésitaient plus à publier telle ou telle retransmission d’un ou deux shows extraits de l’une de leurs tournées mondiales d’antan, voilà enfin que la retransmission qui nous arrive date de l’année en cours! C’est même le final de la tournée Olé Tour en Amérique latine, le concert du 25 mars 2016. Et quoi de plus significatif qu’un concert donné à Cuba! Le premier après la venue du président Obama et la fin officielle de le ‘guerre froide’ entre les USA et Cuba. Un formidable coup de com pour une formation qui n’est même plus à avoir besoin de cela pour ‘être’, continuer à faire parler d’elle et alimenter la presse people du monde entier. Il faut dire que c’est sans aucun doute le plus gigantesque concert auquel les cubains ont pu assister. Il se murmure qu’ils étaient 1,2 millions à en être! Plus du double de spectateurs que lors du concert du Nicaragua au bénéfice des victimes du tremblement de terre du 18 janvier 1972. Une vingtaine de titres parmi tous ceux qu’ils ont composé. De ‘Satisfaction’ à ‘aint It Black’, de ‘Midnight Rambler’ à ‘Gimmie Shelter’ et j’en omets volontairement 14 pour rendre le Blue Ray encore plus attrayant!
Jagger est presque venu en voisin, puisqu’il possède une villa à l’Île Moustique et il est arrivé avec sa bande habituelle: Darryl Jones à la basse, Chuck Leavell au clavier, Karl Denson au saxophone, Tom Ries au saxophone et même les Coro Entrevoves, Havana Choir, sans oublier Keith Richards, Charlie Watts et Ronnie Wood, of course. Mais n’oublions jamais que dans les Stones il y a eu et il restera toujours Brian Jones, Mick Taylor, Bill Wyman, Bobby Key, Jim Price et Ian Stewart.
Ce qui surprend à l’écoute de cet opus, c’est la qualité musicale de ce qu’ils font désormais sur scène, et là, une fois de plus, ils m’ont bluffé. Quelle classe et quel brio! Il est toujours question de rock’n’roll, bien sûr, mais il y a dans cette dernière livraison un côté ‘zéro défaut’ indéniable qui ne m’est pas désagréable du tout, même si cela fera gémir quelques grincheux (comme notre Rédac en chef Frankie) qui restent accrochés aux Stones des premiers vinyl.