The Rolling Stones – Get Yer Ya-Ya’s Out

ABKCO Records
Rock
Monumental est, au minimum, le qualificatif qui caractérise le package dont je vous parle, en ce moment. Pas moins de quatre CDs sont proposés ici pour nous restituer l’ambiance qui régnait, en ces temps révolus, lors des concerts des Stones. Et parce qu’ils ont toujours revendiqué leur appartenance à l’univers du Blues, le titre de leur second album live est un hommage non dissimulé à ce monde là, ‘Get Yer Ya-Ya’s Out’ n’étant pas très éloigné de la chanson ‘Get Your Yas Yas Out’ que Blind Boy Fuller écrivit en 1938.
 
Dés 1970, les Stones avaient manifesté le désir de sortir un double album incluant la première partie de leur concert, mais leur maison de disques de l’époque, Decca, n’avait pas avalisé le projet. Les garçons, qui ont de la suite dans les idées, réparent aujourd’hui cette lacune. Et du coup, nous faisons bien plus que d’y trouver notre compte, surtout si l’on songe à l’erreur des bureaucrates timorés de la maison de disques britannique d’antan.
 
Tout commence, en effet, avec la prestation de B.B. King, présenté évidemment comme le roi du Blues. Celui-ci, au sommet de son art, interprète cinq pièces incandescentes et Lucille s’en donne à cœur joie. Il est, malgré tout, signe des temps, surprenant de découvrir pareil artiste en première partie de concert, lui qui ne tardera pas à se retrouver tout en haut de l’affiche et qui prendra l’habitude de terminer les soirées musicales plutôt que de les commencer.
Pour notre part, voyons dans cette programmation un second hommage des ‘Pierres qui roulent’ à ceux qui leur ont permis d’obtenir tant de succès avec des morceaux fortement inspirés du répertoire des bluesmen.
 
Le King parti, ce sont Ike & Tina Turner qui assurent la suite du spectacle et, indépendamment de leurs déboires conjugaux, la présence sur scène du couple est à vous couper le souffle. Tina, chanteuse à la voix fabuleuse, et Ike, guitariste à la dextérité et au talent au moins équivalent au charisme de sa légitime, nous livrent ici une prestation d’une qualité exceptionnelle. Les six morceaux qu’ils interprètent sont tous devenus depuis des classiques incontournables.
Et pour vous faire saliver, je ne vous citerai que la mémorable version de ‘I’ve Been Loving You Too Long’ où Ike et Tina se livrent à un duo chanté suffisamment puissant et intense pour que je n’hésite pas à la comparer à celle d’Otis Redding, pourtant géantissime, c’est dire…!
 
Puis voilà le moment tant attendu, celui où le nom du groupe anglais se fait entendre à plusieurs reprises, en écho avec force de réverbération. Ils sont là, les Stones, qui entrent sur scène. Quelques notes égrenées sur les guitares et le spectacle commence, grandiose.
Considéré comme l’un des meilleurs disques ‘live’ de tous les temps, l’album déroule les morceaux célèbres qui restent collés au mythe de ce groupe. Mick évoque toujours la fermeture cassée de son pantalon, puis la ville de Paris en chantant ‘Honky Tonk Women’.
 
Tous les morceaux ont été captés au même endroit, pendant les deux soirées new-yorkaises du Madison Square où les Rolling Stones se produisirent les 27 et 28 novembre et l’ensemble sonne étonnamment moderne, comme si ces deux concerts avaient eu lieu en ce début de siècle. C’est dire la qualité du son proposé. Vos enceintes en dégoulineront de plaisir.
 
Mais c’est également dans la suite du packaging que réside l’intérêt majeur du coffret ‘collector’ en question, le troisième CD proposant cinq morceaux qui ne figuraient pas sur le disque du siècle dernier: ‘Prodigal Son’, ‘You Gotta Move’, ‘Under My Thumb’, ‘I’m Free’ et ‘Satisfaction’, chanson-hymne des Stones.
Et alors là, ce n’est plus que du Bonheur (et avec un grand ‘B’, hé oui)! D’autant qu’un bonus, sous forme de DVD, nous ressert les cinq mêmes morceaux inédits en vidéo. Y’a des moments où l’on se dit que de farfouiller dans les archives a non seulement du bon, mais du très bon.
Du très bon qui nous permet de revoir les gaillards en chair et en os, comme si nous y étions, à ces concerts. Faut reconnaître que toutes les images ne sont pas inédites et/ou inconnues sur les trente et quelques minutes du petit reportage filmé, mais le plaisir de les avoir à soi, à la maison, est immense. Je crois me rappeler que certaines images figuraient déjà sur la pellicule du film ‘Gimme Shelter’, et notamment celles où l’on voit Jerry Garcia et/ou Janis Joplin à Altamont, avant le tristement célèbre concert. Je dirai presque la même chose en ce qui concerne les prises de vue relatives à l’élaboration de la pochette de l’album en public, à savoir une impression de ‘déjà vues’. Mais loin de nous, l’idée de nous en plaindre. Au contraire.
 
Vous ayant brièvement résumé les parties audio et vidéo, il me reste à vous dire deux ou trois mots de l’ouvrage qui accompagne le tout: un magnifique petit bouquin d’un peu moins de soixante pages dans lequel on retrouve des photos connues ou non, ainsi que deux textes d’Ethan Russell, célèbre photographe dont le dernier ouvrage, ‘Let It Bleed: The Rolling Stones, Altamont, and the End of the Sixties’, vient d’être publié chez Springboard Press (*), ainsi que la reproduction d’un texte de Lester Bangs, journaliste à Rolling Stone Magazine dans les années soixante dix. Quand vous saurez qu’en guise de marque page, vous avez droit à un fac-similé de l’affiche de la tournée américaine des Rolling Stones, on peut bien se demander ce qui nous manque pour être heureux.
Ha si, un collector de ‘Exile On Main Street’, le mythique double LP sorti en 72…!
 
Dominique Boulay
 
(*) ‘Let It Bleed, les Rolling Stones, Altamont et la fin des sixties’, par Ethan Russell et Gérard Van Der Leun (Michel Lafon). Disponible ici 
 
«Cette tournée, pour moi et beaucoup d’autres, c’était la fin d’une époque, la fin de la liberté, de l’amour et tout ça. C’était trop énorme pour durer.» Mick Jagger
The Rolling Stones