The Rolling Stones – Blue & Lonesome

(Polydor)
Blues

Ce disque n’est pas seulement la revanche (aussi tardive qu’inespérée) de tous ceux que les Rolling Stones ont trahi depuis “Angie” et “Fool To Cry”. C’est aussi la vengeance personnelle de Mick Jagger. Voici un quart de siècle, alors que son groupe se vautrait dans les querelles internes (et qu’il venait pour sa part de commettre deux albums solo foireux), le Micksou s’accorda en effet une récréation bien méritée. En quelques sessions avec ces Angelenos de Red Devils (menés par feu l’harmoniciste illuminé Lester Butler), il accoucha d’une quinzaine de covers bien troussées, d’Elmore James à Muddy Waters, en passant par Rice Miller, T-Bone Walker, John Lee Hooker, Howlin’ Wolf et Little Walter. Las, lié au label Atlantic par son légendaire appât du gain, il se vit assigner par celui-ci une cinglante fin de non recevoir. Du Chicago blues vintage au début des années 90, pouah! Qui aurait bien pu acheter ça? Quelque chapelle de bibliothécaires rancis? Renvoyé à ses chères études, Jagger finit donc par livrer le produit que ses actionnaires attendaient de lui, et ce fut “Wandering Spirit”. Pas son pire, certes (loin de là), mais de blues il ne serait désormais plus question pour lui qu’en guise d’extra-bonus en fin d’extended E.P…
On demanda un jour à Charlie Watts, parmi toutes les facettes du Jagger public, laquelle lui semblait la plus proche de la réalité. Et ce brave Charlie de répliquer: “Quand il joue de l’harmonica, c’est là que réside le vrai Mick”. Eh bien, voici donc enfin le come-back officiel du vrai Mick. Sur le tapis d’échardes que tissent les Stones antédiluviens, le Jag balance son meilleur catalogue depuis leur tout premier LP. Du Walter Jacobs donc (quatre titres), du Chester Burnett (deux), du Eddie Taylor, du Otis Rush, du Magic Sam, du Lightnin’ Slim et du Jimmy Reed. Bon Dieu, comment jouer le blues quand on est Blanc et milliardaire? La réponse tient là: il suffit d’assumer sans barguigner la nostalgie de sa jeunesse perdue, et de rouvrir sa propre malle aux reliques. Imaginez la grimace des blaireaux qui achetèrent jadis “Miss You” par tombereaux: en dépit de l’adage, la vengeance peut aussi parfois se déguster brûlante!

Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder

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Quel choc! Monstrueux! Me voilà âgé de 10 ans, en 1964, écoutant mes premiers 33 Tours des pierres qui roulent. Je ne savais même pas que certains morceaux relevaient de ce qui s’appelait le Blues, car il y avait aussi du Rock’n’roll dans l’histoire et que pour moi, tout cela rentrait simplement dans la rubrique Pop Music… Et ce qui comptait par-dessus tout, c’est que cela nous différenciait de tout ce que nos aînés avaient fait et représentaient. C’étaient non seulement des notes, mais aussi une voix et des rythmes qui sonnaient complètement différemment de ce que ma mère écoutait toute la journée. Et c’est ainsi que j’ai découvert ce qui allait constituer une partie de mon univers à venir…
Quel choc musical impressionnant que ce dernier album des Rolling Stones, ils sont toujours aussi bons! C’est bien eux qui nous ont mis le pied à l’étrier et leurs Blues sont toujours aussi sulfureux. Ils reviennent à la source de ce qui les a amenés à être le meilleur groupe de Rock’n’roll du monde! Et cela dure depuis bientôt 60 ans. Ils démontrent sans vergogne que non seulement le Blues est still alive, mais également qu’ils restent les meilleurs représentants de ce que l’on appelait avant-hier le British Blues. Walter Jacobs, Chester Burnett, Samuel Maghett, Miles Grayson, Eddie Taylor, Otis Hicks, Jimmy Reed, Willie Dixon, Little Walter, Howlin’ Wolf, Magic Sam, Little Johnny, Eddy Taylor, Lughtnin’ Slim, Jimmy Reed et Willie Dixon sont les compositeurs des 12 incontournables grands classiques magistralement interprétés par les Stones qui s’adjoignent D. Jones à la basse, Chuck Leavell et Matt Clifford aux claviers, et comme invité spécial Eric Clapton en personne sur ‘Everybody knows About My Good Thing’ et ‘I Can’t Quit You Baby’. Un album qui tombe à point nommé pour rappeler que les Rolling Stones sont toujours présents et bien vivants!

Dominique Boulay
Paris-Move & Blues Magazine (Fr)7