THE PLAYERS – Let’s The Good Time Roll

Phoebus Musik
Rockin' blues
THE PLAYERS - Let's The Good Times Roll

De prime abord, ce skeud présente toutes les caractéristiques de l’auto-production: un nom à l’emporte-pièce, une faute d’orthographe dans le titre, un art-work façon cours d’arts plastiques en lycée professionnel, et en guise de crédits, “Do It Yourself & Inchalla Prod.”… De quoi inciter à une prudente indulgence subtilement condescendante, en somme. Auteur, compositeur, multi-instrumentiste et interprète, Ludovic Pellicet assure ici le chant, ainsi que les parties de guitare et d’harmo. Natif de la région de Montpellier, il monta à Paris en 1991 pour y tenter d’assouvir sa soif d’aventures musicales. Après avoir successivement intégré des gloires locales de renom, telles que Kid Maher & The Buzz et Nora Stark & les Heroïcs, il se résolut à redescendre sous la ligne de démarcation pour s’établir à Perpignan. Depuis cette nouvelle base, cet activiste forcené ne tarda pas à essaimer ce que la France jacobine qualifierait volontiers d’underground. Kilembé, Gypsy Dandy, Benjamin & Yolande, Dr Raymoon et Vassy Mathieu (dit “Le Randonneur”) bénéficièrent ainsi tour à tour de ses talents protéiformes. S’associant à présent à Chris Michel (bassiste d’Electric Callas, qui officia également auprès de l’ex-Ganafoul Jack Bon) et du batteur François Miniconi (ex-Nico Backton), il nous assène une presque douzaine de covers bien senties, dans un registre qu’il affectionne particulièrement: le blues rauque que pratiquaient en leur temps Hound Dog Taylor, J.B. Hutto et compagnie. Bref, du brut de décoffrage, du jovial et du cultivé sans affectation. Ca déboîte sans prévenir avec le “Folsom Prison Blues” de Johnny Cash, revisité en mode rockabilly-blues. La slide y arrache des scalps de pneus, avant que le “Forget The Flowers” de Jeff Tweedy ne poursuive dans un registre dont Jason Ringenberg faisait naguère son fond de commerce. Timbre rauque, rythmique country-punk, et l’on est fin prêt pour l’adaptation garage du “Have Love, Will Travel” de Richard Berry (dont les délicieuses Thee Headcoatees rendirent une version similairement jubilatoire). Le solo de guitare devrait en toute légitimité y susciter un thumbs up de Lionel Liminanas. Quant à leur adaptation de l’éculé “It’s All Over Now” de Bobby Womack, son traitement swamp nous rappelle à point nommé ce que Creedence eut pu en faire. Même transposition ou presque, pour le “Make It Rain” de Tom Waits, rechapé façon AC/DC. Ces satanés Players semblent avoir parfaitement intégré l’adage de Jim White: peu importe la façon dont vous l’arrangez, une bonne chanson reste une bonne chanson. Ainsi de leur adaptation du “These Boots Are Made For Walking” dont Lee Hazelwood dota la fille de Frank Sinatra, ou encore du “Tipitina” de Professor Longhair et du “Junco Partner” repris par le Clash sur “Sandinista” (respectivement traitées en rockab’ et en bluegrass), voire du “Never Can Tell” de papa Chuck, débuté en swamp-funk lascif avant d’embrayer vers sa version immortalisée sur la B.O. de “Pulp Fiction” (avec le piano alerte d’un certain Jim Horse). Le “Gimme Back My Wig” de Hound Dog Taylor subit le même brushing iconoclaste et dévot à la fois (slide dopée au kérosène, et rythmique over the top). Cette rondelle se referme sur une variante fin de bal du “Goodnight Irene” de Leadbelly, et l’on pourra sans doute chercher longtemps pareille synthèse entre déférence et bienveillante impertinence. Tout sauf un disque d’amateurs, en tout cas (ou alors au sens noble du terme).

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, November 25th 2021