Bluegrass, Punk |
Attention, entomologistes et puristes de tout poil moisi, aux abris! Autour du couple que composent bon an mal an Jamie et Katie “Kaz” Barrier (respectivement à la guitare, au violon et à l’harmonica, ainsi qu’à la mandoline, à la scie musicale et au washboard) s’agrège une bande de semi-dégénérés dénommés Matt Bakula (washtub, banjo), Stevie LeBlanc (washtub, banjo, harmonica), Brian “Zero” Borden (caisse claire malmenée aux balais) et Justin Ward (accordéon, trombone). Cette joyeuse troupe s’attelle depuis près d’un quart de siècle à raviver la veine pourtant réputée éteinte des musiques traditionnelles des Appalaches, et autres contrées apparentées. Comme l’indiquent clairement ici “Back to Alabama”, “Satchel Paige Blues” et “Lone Star Kid”, si vous prenez les Pogues, Jason & The Scorchers et Pokey Lafarge et que vous mixez le tout dans un shaker (de préférence de la marque Legendary Shack), vous obtiendrez une formule hautement éruptive, mais finalement assez proche de celle des Pine Hill Haints. Pour achever de vous en convaincre, il vous suffira d’ouïr ce que ces galapiats infligent au “Pretty Thing” de Bo Diddley, ou la version digne de la B.O. de “Deliverance” qu’ils restituent ici du classique “John Henry” (en le traînant à moitié vif parmi les moors de Kilkenny, avec un fiddle énervé pour seule escorte), celles des standards “Catfish Blues” (que Taste et Muddy Waters prirent en leur temps pour étendards), du “Louise” popularisé par Leadbelly, ou encore ce “Drop And Fall” évoquant les Unknowns tentant de ressusciter Buddy Holly, accordéon à l’appui. N’hésitant pas à verser en cas de besoin vers le côté cajun de la Force (“Fighting For The Wrong Side”, “Stare At The Fire”), à invoquer en yodélisant le fantôme aviné de Jimmie Rodgers (“Downtown Blues”), voire à violenter le classique gospel “Wade In The Water” en l’affublant d’une lugubre scie musicale et d’un accordéon, ces hérétiques n’en perpétuent pas moins depuis une quinzaine d’albums une tradition qui aurait sans doute perdu sans eux ce qu’il y subsistait de globules rouges. Bref, si John Mellor (alias Joe Strummer) était né au cœur des Appalaches, et qu’il s’était ensuite attaché à une relecture aussi inspirée qu’iconoclaste des traditions locales, on l’aurait sans doute retrouvé à la tête des Pine Hill Haints. Une claque à la hauteur de celle éprouvée en découvrant J.D. Wilkes (ici en guest) et ses Legendary Shack Shakers: un must, en somme.
Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder
PARIS-MOVE, April 6th 2021
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On ne saura jamais si Morris écoutait ce genre de musique en dessinant Lucky Luke et rien ne dit non plus si le cow boy solitaire fredonnait ces chansons à cheval sur Jolly Jumper. Toujours est-il que The Pine Hill Haints ont eu envie de les jouer et de les enregistrer pour notre plus grand plaisir. Il faudrait être complètement sourd d’oreille, d’ailleurs, pour ne pas réagir positivement à cette superbe musique. Natifs d’Auburn en Alabama le groupe sévit depuis 1998 et ils ont déjà produit un nombre non négligeable d’albums, 12 , et 13 Singles & EPs. C’est à une chevauchée sonore que les loulous nous convient. Un mix de Rockabilly,de bluesgrass, de country, de rock folk, de blues (on pense au Catfish Blues de Rory Gallagher et Taste!) et de folklore américano irlandais ( on entend des fiddle…), avec des riffs à la Who Do You Love de Bo Diddley et une reprise de John Henry que Joe Bonamassa interprèta si bien. Jamie Barrier, guitare, fiddle, harmonica et chant, Katie “Kat” Barrier, mandoline, planche à laver, Stevie Lablanc, banjo, harmonica, Brian “Zero” Borden, batterie et Justin Ward, accordéon et trombone, sont de la fête. 15 nouveaux titres sur l’opus qui ne reflètent en rien la Ghost Music dont ils se proclament dépositaires. “Musique Morte” comme on dit aussi “Lettre Morte”, c’est à dire musique qui n’a plus grande utilité par les temps qui courent. Nostalgiques d’époques révolues ils n’ont pourtant pas hésité à reprendre des classiques du Gospel, de la musique cowboy et du folk, avant naturellement de nous proposer leurs propres compositions. Et puis à l’écoute de leur superbe musique je pense que vous conviendrez avec moi que ce qu’ils jouent n’a rien de fantômatique et rien à voir non plus avec quelque chose de dé-passé et de mort! Peut-être est-ce à l’aune de critères locaux qu’ils jugent leur musique, mais selon moi c’est plutôt du contraire qu’il s’agit. Ils redonnent vie et ravivent quelque chose que l’on croyait éteint! Cela nous fait le plus grand bien!
Dominique Boulay
Paris-Move & Blues Magazine (Fr)
PARIS-MOVE, May 20th 2021