Alternative Rock, No Wave

Par delà le gimmick semi-grotesque d’un trio d’anonymes déguisés en volatiles urbains, ce premier album des Pigeons (à ne pas confondre avec leurs homonymes ska-reggae bruxellois, ni avec la première appellation de Vanilla Fudge) n’a pourtant rien d’un canular. En dépit de leur présentation farfelue, Phil Pigeon, Jimmy Pigeon et Tommy Pigeon ne sont pas là QUE pour rigoler. Leur première nichée propose en effet un vaste panel à picorer. On décèle dans leur mangeoire du krautrock matiné d’exotica (“The Pigeon 1000 Computer”), du Captain Beefheart (“Amanda Feilding”, “Iron Bird”), du Devo (“Pigeon Rock”), du funk façon James Brown à Tchernobyl (“Sideways Stare”), de l’art-rock à la Mush et Ulrika Spacek (“Pecking At The Pavement” et “Take Aim” en cousins du “Alternative Facts” des premiers, et “Master Disaster” parent du récent “Compact Trauma” des seconds), du Bowie circa “Scary Monsters” (“Spikes”), et même une furtive touche de Hendrix (“Bird Brain Gang”), tandis que le faussement pop “Angry Little Circles” n’en prend pas moins l’auditeur à contre-pied. Les exégètes de la scène expérimentale anglaise démasqueront ici le guitariste Phil M.F.U., déjà à l’œuvre chez Vanishing Twin, et l’ensemble ne peut se ranger dans votre discothèque qu’auprès des Fripperies d”Adrian Belew, ainsi que de l'”Electric Chair” de la grande Sandy Dillon, voire des regrettés Soul Coughing. Aussi convulsif qu’un parasite à plumes qui aurait ingéré de la strychnine, voici donc un disque dont on peut prendre de la graine, mais à ses risques et périls. Et pour conclure, un petit quiz: devinez quelle pochette américaine du premier album d’un célèbre groupe anglais des sixties parodie celle des Pigeons?

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, May 11th 2023

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