Americana |
Menés par le prolifique John Barry (alias Jeb, qui se targue par ailleurs d’avoir déjà écrit 4000 chansons!), les Pawn Shop Saints proviennent des Berkshire Hills de Nouvelle-Angleterre. Également guitariste, bassiste et joueur de banjo (et ex-membre du power-pop band de Boston, The Typicals à la fin des eighties), Jeb a enregistré deux premiers albums solo, en 2014 et 2015, et continue à se produire seul (notamment au Bluebird Café de Nashville, où on lui conserve son rond de serviette), parallèlement à son implication au sein de ces Saints du Mont-de-Piété. Déjà à la tête d’un E.P. en 2012 (“Dead Broke And Dangerous”) ainsi que d’un double CD qui fit sensation en 2018 (“Texas, etc.”), les Pawn Shop Saints proposent à présent un modeste échantillon de neuf titres, parmi la cinquantaine qu’écrivit leur leader au cours des deux dernières années. Ceux-ci sont pour la plupart le fruit de ses pérégrinations assidues sur cette période, à travers les recoins les plus encaissés des Appalaches, au cours desquelles il s’attacha à observer la précarité à laquelle sont confrontés nombre d’habitants de ces rudes bourgades montagnardes. Soutenu par Michael O’Neill (guitares et chœurs, lui aussi ex-Typicals), Chris Samson (basse) et John Pisano (batterie), Jeb décrit ici avec une acuité certaine les existences humbles (et parfois tristement résignées) de gens ordinaires (“You Don’t Know The Cumberland”, “Old Men, New Trucks”), sans pathos excessif, mais avec une empathie manifeste. À l’instar d’un Ray Davies qui serait né dans la ruralité américaine plutôt que dans les faubourgs londoniens (ou d’un Lou Reed qui aurait échappé à Long Island pour grandir à la campagne), Barry dépeint ici les faits les plus triviaux en adoptant le point de vue de leurs protagonistes (“Body in The River”, ou le remarquable “New Year’s Eve, Somewhere In The Midwest”, qu’il cosigne avec Jason Isbell). Avoisinant parfois des figures aussi tutélaires que Townes Van Zandt et Neil Young (“Southern Mansions”, “Dry River Song”), ainsi que celles de Jonathan Richman, Jeffrey Lewis et Herman Düne (“Ain’t No Mama Here” ou le poignant “Pack A Day”: “elle fumait un paquet par jour, juste pour s’échapper, et bossait à l’usine la nuit. C’est ainsi que de bonnes personnes meurent bien trop jeunes”), les Pawn Shop Saints dressent le portrait saisissant d’une Amérique ayant sans doute davantage voté Trump par désespoir que par bêtise (“Lynyrd Skynyrd”). Un album aussi boisé que les paysages et personnages qui l’ont inspiré.
Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder
PARIS-MOVE, November 8th 2020