THE NIGHTHAWKS – Tryin’ To Get To You

EllerSoul Records
Blues
THE NIGHTHAWKS - Tryin' To Get To You

Fondés voici près d’un demi-siècle déjà, les Nighthawks sont une institution dans leur État de Washington DC, et leur leader (et seul membre fondateur encore en lice) Mark Wenner un héros, dont la renommée n’a pour équivalente que celle de leur guitariste originel, Jimmy Thackery. Si l’on compte leurs collaborations avec John Hammond et Toru Oki, voici donc leur trente-et-unième album à ce jour. Et si le tandem basse-guitare a encore changé depuis leur dernière livraison (“All You Gotta Do” en 2017), le fidèle Mark Stutso (présent depuis plus de dix ans) tient toujours les baguettes, tandis que les nouvelles recrues se nomment Paul Prisciotta aux quatre cordes graves, et Dan Hovey aux six aiguës. Wenner et Stutso ne nous avaient pas laissés sans nouvelles, puisqu’ils ont publié entre-temps l’excellent “Blues Warriors”, avec un aréopage d’amis musiciens de leur région, mais c’est toujours avec plaisir qu’on les retrouve sous l’historique étendard célébrant depuis cinq décennies les roots musics américaines. Chacun de leurs membres s’avérant un chanteur accompli, les Nighthawks bénéficient donc d’une palette vocale renouvelée. C’est patent dès le “Come Love” d’ouverture, dans une veine Slim Harpo où l’harmonica goûteux de Wenner le dispute avec bonheur aux réponses de ses comparses. Le swing de T-Bone Walker prend le relais pour une reprise de son “I Know Your Wig Is Gone”, où les nouveaux venus font preuve de leurs compétences. Sur leur cover de “Tell Me What I Did Wrong” (titre ancien d’un James Brown débutant), ainsi que celle qui donne son titre à l’album (et figurait au répertoire d’Elvis Presley), nos lascars assurent carrément des chœurs doo-wop, tandis que sur la seconde, Hovey appose une touche country de bon ton à la steel-guitar. C’est ce dernier qui signe le Texas-swing “Baby It’s Time”, où la section rythmique, les chœurs à l’unisson, l’harmonica d’un Wenner en grande forme (et bien entendu la guitare de son auteur) s’expriment avec un subtil panache: assurément l’une des perles de cette nouvelle collection. Stutso chante en lead le funky “I Hate A Nickel”, tandis que ses camarades lui donnent collectivement la réplique sur le refrain. Le solo de Wenner y rappelle ceux de Magic Dick au temps béni du J. Geils Band, tandis que la basse de Pisciotta revisite les fondamentaux de Donald “Duck” Dunn. Il n’est que temps pour un bon vieux low-down blues, et c’est “Rain Down Tears” d’Henry Glover qui s’y colle. Wenner y revisite les plans qu’il a tant étudiés chez ses chers Little et Big Walter, tandis qu’Hovey y démontre son remarquable sens du développement, lors d’un solo néanmoins sobre et concis: la marque des véritables grands. Retour au jump avec le bien intitulé “Something’s Cookin'”, dont Stutsa assure, outre le beat, à nouveau le lead vocal (toujours avec le soutien de ses bandmates). Hovey y confirme quelle excellente recrue il s’avère, dans ce style que dominent depuis quarante ans Ronnie Earl et Duke Robillard. Le vintage rhythm n’ blues sixties s’invite sur un “Searching For My Baby” que l’on jurerait emprunté à Sam & Dave, et le groupe y démontre la persistance de sa cohérente versatilité (double oxymore compte triple, trouvez mieux les jeunes!). Emprunté à Los Lobos, le boogie effréné “Don’t Worry Baby” s’inscrit dans la tradition scénique de la formation, avec ses choruses incendiaires de guitare et d’harmonica, et l’on se retrouve à danser pied nus dans le salon, comme on put si souvent le faire à leurs concerts: boudiou, les Nighthawks, people!!! “Luscious” s’apparente au good time doo-wop swing qu’ils semblent affectionner de plus en plus, tandis qu’ils appliquent au “Chairman Of The Board” de Holland et Dozier le traitement du “Hoochie Coochie Man” de Muddy Waters: quatre minutes de low-down Chicago blues à soulever les tables de n’importe quel rade, tandis que les boots martèlent le plancher en cadence. Les Nighthawks ferment le ban sur l’acoustique “The Cheap Stuff”, que signe et chante Hovey dans la veine placide de Jimmy Reed. Si la question tenait en “peuvent-ils encore le faire?”, la réponse fuse: “sure enough, mates”! Un album qui réchauffe le cœur et les arpions.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, May 12th 2020