THE MIKE DUKE PROJECT – …Took A While

Little Village Foundation
Rhythm 'n' Blues

Originaire de Mobile (Alabama) et claviériste de Wet Willie dans les années 70 (puis, brièvement, des Outlaws au début des eighties), Mike Duke est l’un des nombreux “unsung heroes” de la baie de Marin County, près de San Francisco. C’est en marge d’un enregistrement des Outlaws qu’il fut repéré par un A&R executive, tandis qu’il jouait son propre “Hope You Love Me Like You Say You Do”. L’expert décréta qu’il tenait là un hit, et persuada Mike de lui en confier une démo. En quelques mois, la chanson atterrit sur l’album “Picture This” de Huey Smith & The News, et grimpa en single à la 12ème place des charts! Trois ans plus tard, la même formation expédia une autre composition de Mike Duke, “Doin’ It All For My Baby”, à la 4ème place du Billboard, tandis que l’album où elle figurait en atteignait la première. Mike ne tarda pas à emménager dans la baie, afin de se tenir à proximité de Huey pour un partenariat régulier. Mais comme ce dernier, happé par son propre succès (l’album “Sports” s’écoula à plus de six millions d’unités), se trouvait en tournée perpétuelle, ce rapprochement ne s’avéra pas aussi fructueux qu’espéré. Bonne pâte, Mike n’en intégra pas moins sans difficulté la bourgeonnante scène locale, élisant bientôt résidence au club Sweetwater, où il se produisit un temps avec les artistes de passage. Si le titre de son premier CD solo (en plus de quatre décennies de carrière) peut se traduire par “…ça a mis le temps”, c’est que les enregistrements qu’il propose s’étalent sur une période allant de 1977 (le lumineux “Coming “Round Again”, réminiscent de Stevie Wonder) à aujourd’hui… Doté d’un timbre vocal aussi puissant que chaleureux, ce bon Mike semble taillé pour la southern soul que sa silhouette personnifie. Son “Little Miss Ponytail” de 1981, porté par une guitare caquetante et un beat chaloupé, lui offre l’occasion de donner un premier aperçu de son talent. On songe au regretté Lowell George, dont le seul album solo (“Thanks I’ll Eat Here”) puisait aux mêmes sources sudistes mêlées. Les fameuses démos de “Hope You Love Me Like You Say You Do” et “Doin’ It All For My Baby” (1980 et 82) confirment ce diagnostic, entre Michael McDonald et des soul men contemporains tels que Teddy Pendergrass ou Harold Melvin. La touche FM de “Let Her Go And Start Over” et “Ain’t No Easy Way” n’occulte en rien leurs racines confédérées, avec leur overdub récent de Hammond B3 et leurs vocaux fervents à la Gregg Allman. Dans la veine du regretté Dr. John, le ragtime paresseux “That’s What So Good About The South” enfonce le clou. Les plages les plus récentes (captées cette année au club Nicasio où Mike Duke tient désormais table ouverte) empruntent tour à tour au zydeco (“Let Me Be Your Fool Tonight”) et à des soul ballads pour lesquelles les Eagles se seraient damnés (“I Can’t Let You Go” ou le terrassant “I’m Not Sad Tonight”, digne de Bob Seger et Van Morrison). Les guests témoignent du respect qu’inspire ce songwriter hors pair: d’Angela Strehli aux chœurs, à Wayne Perkins (guitariste émérite un temps pressenti par les Stones, et figurant sur leur “Black & Blue”), en passant par Elvin Bishop, Jim Pugh et Kid Andersen. Claviériste imprégné des parfums du vieux Sud, vocaliste gouleyant et compositeur inspiré, il eût été fâcheux que Mike Duke demeurât plus longtemps dans l’anonymat. Un album sans le moindre titre superflu: le phénomène mérite d’être signalé, et vous le repasserez souvent en nous bénissant.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, September 12th 2019