Latino

N’en déplaise à l’administration fédérale en place, la culture latino imprègne non seulement les états limitrophes de la frontière mexicaine, mais aussi l’ensemble de l’imaginaire nord-américain. Depuis le cinéma (de la “Soif Du Mal” d’Orson Welles à “Sierra Torride”, sans oublier évidemment “Vera Cruz” de Robert Aldrich, “Frida”, ni “La Horde Sauvage” de Sam Peckinpah, parmi tant d’autres classiques) jusqu’à la musique populaire (de Richie Valens à Los Lobos et Ozomatli), sans oublier bien sûr la gastronomie, le Mexique, mais aussi Cuba et Porto-Rico irriguent puissamment le cœur des U.S.A. L’une des formations les plus populaires outre-Atlantique, les Mavericks (qui viennent de fêter leur trentième anniversaire) comptent en leurs rangs un Mexicano-Américain (le guitariste Eddie Perez) et un Américano-Cubain en la personne de leur frontman et leader, Raul Malo. Celui-ci ruminait depuis longtemps le projet d’enregistrer un album entier dans sa langue natale, et ce moment est donc venu. Rythmes cubains (le majestueux “La Sitiera”, introduit par une guitare surf avant de s’abandonner à un son languide, ou “Recuerdos” et “Me Voy A Pinar Del Rio”, qui ferme le ban en mode “Buena Vista Social Club”), sérénades chicanos (“Pensando En Ti”, “Sombras Nada Mas”, initialement un tango argentin), rumba légère (“Mujer”), cha-cha-cha soft (“Suspiro Azul”), variété napolitaine (“Cuando Me Enamoro”) et irrésistible boléro langoureux (“Sabor A Mi”), l’exercice est confondant de grâce et de ferveur. Plus étonnante encore, on goûtera comme elle le mérite l’adaptation dans la langue de Cervantès du fameux “J’ai Oublié de Vivre”, dont Pierre Billon et Jacques Revaux avaient concocté le tube que l’on sait pour Jean-Philippe Smet (“Me Olvidé De Vivir”), et dont la version espagnole fit le tour du monde par la grâce de Julio Iglesias! Signalons également, parmi les invités légitimes, le grand Flaco Jimenez, dont l’accordéon (notamment sur “No Vale La Pena” et “Poder Vivir”) prolonge l’héritage des Texas Tornados d’Augie Meyers, Doug Sahm et Freddy Fender. Entre David Lynch, Pedro Almodovar et Quentin Tarantino, les Mavericks sortent le grand jeu latino, mais ce n’est pas du cinéma!

Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, July 13th 2020