THE JAYHAWKS – XOXO

Sham / Thirty Tigers
Pop
JAYHAWKS

Dans la même veine originelle que les Long Ryders, les Jayhawks de Minneapolis sont en quelque sorte pour ce que l’on désigne sous le vocable d’alternative country, ce que Big Star fut à la power-pop: les gusses qui eurent le malheur d’avoir raison après tout le monde, et ce faisant, trop tôt aussi pour pouvoir bénéficier (comme ils l’auraient pourtant mérité) du revival qu’ils avaient contribué à initier… Séparés quand leurs émules (Uncle Tupelo, Wilco, Giant Sand…) se trouvaient en mesure de récolter les fruits de leur intuition, puis épisodiquement réunis pour bénéficier d’une reconnaissance tardive, les Jayhawks partagent avec le gang d’Alex Chilton d’avoir également perdu en route l’un de leurs deux fondateurs visionnaires en la personne de Mark Olson, tandis que Gary Louris maintenait bravement la barre du navire. Après leur collaboration avec Ray Davies pour son “Americana” de 2017, voici dont le onzième album des Jayhawks en 35 ans, et outre Louris, le fidèle bassiste Marc Perlman demeure le seul rescapé du line-up originel. Comme chez les Byrds au fil de leurs successives incarnations, leur son caractéristique s’enrichit de l’apport des nouveaux membres qui s’y joignent, et si leur formation actuelle s’avère l’une de leurs plus stables à ce jour, le fait que Louris ait cette fois souhaité partager démocratiquement le songwriting avec ses comparses explique sans doute la versatilité de cette nouvelle livraison. Le batteur Tim O’Reagan fourbit ainsi l’enragé soul-pop “Dogtown Days” (digne du Costello de “This Year’s Model”) et le McGuinnesque “Society Pages”, tandis que la claviériste Karen Grotberg délivre le furieusement beatlesque “Ruby”, et que Louris lui-même consent la tête haute à ce même penchant pop (“Living In A Bubble” ou le splendide “Homecoming”). Et quand ils s’y mettent à trois, c’est carrément pour lorgner vers les Beach Boys du mythique “Smile” (“Illuminate”) et le Buffalo Springfield de “… Again” (“This Forgotten Town”, “Bitter Pill”). Grotberg chante encore lead son propre “Across My Field” (dont la délicieuse langueur se déplie sur tapis de steel-guitar et de piano), tandis que “Little Victories” et “Down To The Farm” évoquent un jeune David Crosby accompagné par le Jefferson Airplane des débuts… C’est à O’Reagan qu’échoit la conclusion, pour le tendrement harassé “Look Up Your Number” qu’il chante sans même toucher sa batterie, signe s’il en est d’un éclectisme éclairé. Entre le “Something Else” des Kinks, le “Younger Than Yesterday” des Byrds et le tout premier Neil Young, les Jayhawks assument plus que jamais leur intemporalité: un album qui déroutera sans doute les néo-puristes de l’americana, autant qu’il ravira les nostalgiques des grands orfèvres de la pop de la seconde moitié des sixties.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, July 1st 2020