Blues |
À l’heure du Black Lives Matter et du regain de la menace nazie dans nos urnes, on répugne à aborder cette chronique sous l’angle de considérations ethniques. Il n’en demeure pas moins que la combinaison entre petits Blancs confits de dévotion et vieux briscards black pétris de tradition a depuis longtemps prouvé son efficacité en matière de blues contemporain. De l’alliance de Smokin’ Joe Kubek avec Bnois King jusqu’à celle d’Anson Funderburgh et Sam Myers (sans oublier leur grand initiateur Paul Butterfield, ni le Belge Pierre Lacoque au sein de Mississippi Heat, ni bien entendu leur Maître à tous, Muddy Waters, qui accueillit maints whiteys en son band), le mix racial irrigue depuis belle lurette les meilleurs mélanges bluesistiques. Dernier exemple en date, les CASH BOX KINGS confirment cette équation avec panache. Après huit albums en près de quinze ans d’existence, les minots du Chicago blues accèdent enfin en première division sur le plan discographique en signant chez Alligator. Ce n’est que justice, car tous ceux qui purent (comme nous) les apprécier sur les planches savent de longue date quels merveilleux frissons ces zigotos peuvent distiller live. Si leur vieux complice Barrelhouse Chuck n’est hélas plus de ce monde pour célébrer l’événement, leurs autres comparses sont heureusement toujours en lice. À commencer par Kenny Smith, le propre rejeton de Willie ‘Big Eyes’ Smith, dernier drummer historique de Muddy Waters. Le genre de gonze qui vous assène entre deux lampées d’alcool à l’entr’acte que les batteurs blancs pèchent par trop d’empressement. Billy Flynn ensuite, gratteux accusant désormais un quart de siècle de bons et loyaux services au sein de Mississippi Heat. Mais aussi le guitariste Joel Paterson, co-fondateur de la formation avec l’harmoniciste Joe Nosek, et ce lascar d’Oscar Wilson. La voix du blues en ce 21ème siècle, lequel ne semble présager guère mieux que son prédécesseur en matière de dignité humaine.
Ces gens ne délivrent ici rien d’autre que ce qu’ils pratiquent (ensemble ou séparément) au quotidien: le Chicago Blues éternel, tel qu’il fut perpétué avant eux par des gusses tels que David Honeyboy Edwards, Homesick James, McKinley Morganfield ou Jimmy Reed. Sauf que rien de tout ceci ne semblait réellement probable il y a seulement quinze ans. La verve et l’enthousiasme avec lesquels ils balancent leur purée donnent désormais l’impression que cette musique pourrait bien perdurer un bon siècle de plus. On n’a pas le temps d’écraser une larme que ces zouaves nous tirent par la manche vers le dance-floor et le comptoir. Sacré blues, va, tu nous a encore bien eus !
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Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder
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