THE BEST OF GOLDEN CREST – 48 Tall Cool Ones

Ace
Rock 'n roll
THE BEST OF GOLDEN CREST - 48 Tall Cool Ones

En matière de vintage labels indépendants tout le monde connaît Chess et Sun Records, et les mélomanes les plus avertis distinguent aussi Cobra, Kent, Crown, Excello, Modern, Jewel ou Specialty, tous artisans essentiels dans l’essor des musiques dérivées du rhythm n’ blues des forties et fifties. Mais Golden Crest, fondé en 1956 à Long Island (N.Y.) par un certain Clark Galehouse, ayant investi dans l’industrie du plastique? Après avoir vécu dans sa jeunesse l’expérience des clubs de Chicago en tant que sax ténor, il s’était relocalisé à New-York pour se rapprocher de Tin Pan Alley (centre de l’édition musicale américaine). Il y grenouilla une décennie durant avant de se résigner à embrasser des projets moins aléatoires, mais ne tarda pas à joindre l’utile à l’agréable, en convaincant ses associés d’accoler à sa fabrique de plastique une usine de pressage de disques. De fil en aiguille (de Teppaz), il n’y avait dès lors qu’un pas à franchir pour y adjoindre le label afférent! De fait, ce brave Clark s’enticha de sa danseuse au point d’y consacrer l’essentiel de son énergie. Bien que s’étant au départ confiné à ses premières amours (le jazz), enregistrant en 57 le grand Coleman Hawkins pour un instrumental à mémères (le ci-inclus “Black Velvet”), cet effréné dénicheur de talents rencontra le succès national quand il mit la main sur les Wailers. Originaires de Tacoma dans l’état de Washington, ces derniers (à ne pas confondre avec le gang de Bob Marley et Peter Tosh) accrochèrent l’oreille de Galehouse grâce à la démo d’un instrumental de leur cru. Ce “Tall Cool One” grimpa en février 59 jusqu’à la 36ème place du Billboard (et la 24ème des charts R&B), valant à ce juvénile combo de participer à l’émission télévisée de Dick Clark, American Bandstand. Après le départ du groupe pour Seattle, Galehouse réédita le single en 1964, et celui-ci se hissa cette fois à la 38ème marche du classement national. Ces Wailers-là enregistrèrent huit albums studio et deux live en dix ans d’existence, et en dépit de nombreux changements de line-up, exercèrent une influence déterminante sur le fameux garage rock U.S. (les Sonics la revendiquant même avec fierté). Le reste du catalogue aurait aisément pu fournir sa B.O. à American Graffiti: des teenage doo-wop tunes telles que “Suzanne” ou “Purple Pedal Pushers” par les obscurs Bobby & Rick, “Bells Bells” par The Chessmen, “Mary Don’t You Weep” par les Delights ou “Poor Little Puppet par les Senators (tout le monde ne peut pas jouir de la même renommée que les Marcels, les Spaniels ou les Moonglows), trépidants second-line beats néo-orléanais sur les traces de Professor Longhair (“Hurry Hurry” par Calvin “Hound Dog” Ruffin & His Combo), prémisses tex-mex par Mando & The Chilli Peppers, rock n’ roll noir (les tuants “Sarah Lee” par Prince Jesse et “Whole Lot Of Lovin'” par Johnny Stewart), rhythm n’ blues façon Louis Jordan (l’imparable “Money Crazy” par Roland Bennett & The Rockin’ Whalers), latin-soul par The Four Bars, rock grand guignol à faire hurler les Cramps à la lune (“Pigmy” par Baby Sticks & The Kingtones ou “Wolf Call” par Lord Dent & His Invaders, vociférations à l’appui), girl groups préfigurant les Ronettes, Shirelles et autres Shangri-Las (The Seven Teens, The Three Graces ou Stephanie & The Gothics), instrumentaux boogaloo (au sax, pardi) à faire se trémousser les robes à crinoline dans les surprise-parties (“Tight Spot” et “Cut Out” par Paul & The Four-Most, “Terock” des Rhythm Rockers, ou encore le diddleyesque “Blood Rare” des Mad Plaids), voire rockabilly bon teint (Donnie Lee Moore). On n’échappe certes pas à quelques loukoums bien gluants (l’hallucinant “Altar Of Dreams” par Gino & the Dells, ou le larmoyant – mais désopilant – “Why Didn’t You Tell Me” de Cartrell Dickson), mais cette collection propose en bonus deux démos inédites des Wailers originaux, et l’ultime licence du label avant sa disparition en 1988, le “New-York City Blues” de Larry Dale & The House Rockers (avec Jimmy Spruill au manche). Imaginez que vous dénichiez dans le grenier d’une masure abandonnée un vieux juke-box à lampes en état de marche, et de surcroît bourré d’obscurs singles d’il y a plus d’un demi-siècle. Pour corser l’affaire, le livret richement documenté par John Broven (gendre posthume du défunt Galehouse) abonde en anecdotes et en iconographie. Comme toujours chez Ace, le son est cristal-clear, puisqu’il provient des masters originaux. Wow!

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, April 15th 2020

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