Jazz moderne |
Quand le jazz rencontre la manette : le 8-Bit Big Band signe un hommage monumental à la musique de jeux video.
Chaque année, ou presque, un musicien, un big band ou un collectif se lance dans une réinterprétation jazz de musiques de jeux vidéo. Un exercice qui suscite souvent plus de curiosité que d’enthousiasme: ces compositions, à l’origine conçues pour maintenir l’attention du joueur, obéissent à des schémas rythmiques répétitifs et peu propices à l’exploration musicale. Le genre a fini par se constituer en niche, s’adressant principalement à un public de «gamers» ayant un penchant pour le jazz.
C’est dans ce contexte qu’arrive Orchestrator Emulator, le cinquième album du 8-Bit Big Band, dirigé par le compositeur, chef d’orchestre et multi-instrumentiste Charlie Rosen, lauréat d’un Grammy Award. Sa sortie est prévue pour le 18 juillet 2025 sur le label Teamchuck. Plus qu’un simple hommage nostalgique, cet album se distingue par sa prouesse technique, ayant nécessité une réécriture partielle de thèmes bien connus. Amateurs de Super Mario, vous serez comblés, mais pas seulement.
Aux commandes de cette «PlayStation musicale», Rosen dirige un big band contemporain et un orchestre de studio réunissant plus de 90 des meilleurs musiciens de New York. Réputé pour son travail à Broadway, au cinéma et à la television, avec plus de vingt projets à son actif, Rosen a su, depuis la création du 8-Bit Big Band en 2017, s’imposer comme un acteur singulier à la croisée des mondes du jazz et du jeu vidéo. Avec deux nominations et une victoire aux Grammy Awards, il a transformé ce qui aurait pu rester un simple concept en véritable force créative. Comme l’écrivait All About Jazz à l’issue d’un concert à Berklee en 2020: «Rosen et son 8-Bit Big Band ont présenté des arrangements orchestraux d’une richesse et d’une complexité étonnantes, transformant des thèmes simples de jeux vidéo en audacieuses explorations du jazz.»
À l’écoute, les arrangements sont splendides. Pourtant, difficile pour moi de parcourir l’album d’une traite. Non par manque de talent, la qualité du travail de Rosen et de ses musiciens est indiscutable, mais parce que les thèmes eux-mêmes, aussi bien adaptés soient-ils, finissent par lasser sur la durée. Cela dit, les réécritures sont soigneusement travaillées, et plusieurs solos instrumentaux s’avèrent particulièrement savoureux. Il faut donc prendre cet album comme une curiosité musicale.
Évidemment, Orchestrator Emulator s’adresse à un public bien ciblé. Depuis sa création il y a plus de huit ans, le 8-Bit Big Band est passé du statut de projet original à celui de phénomène viral. Avec près de 400.000 abonnés sur YouTube et Instagram, le groupe séduit à la fois les musiciens et les communautés de joueurs. Leurs clips, réalisés avec soin, cumulent régulièrement plusieurs millions de vues. Ce succès en ligne s’est concrétisé par des concerts à guichets fermés dans les plus grandes salles du Nord-Est des États-Unis. Leur approche unique a été saluée par de grands médias tels que NPR, The New York Times ou encore Forbes. Le magazine Jazziz est même allé jusqu’à déclarer que le groupe «redéfinit le concept de big band moderne». En 2022, leur influence a atteint un sommet avec un Grammy Award remporté par Rosen et Jake Silverman dans la catégorie Arrangement instrumental ou a cappella, pour leur version de «Meta Knight’s Revenge», extraite de leur troisième album acclamé Backwards Compatible.
Un album à réserver, donc, aux amateurs du genre. La mission que s’est fixée le 8-Bit Big Band a toujours été claire: «redonner à la musique de jeux vidéo sa juste place dans le monde de l’art musical sérieux». Rosen le dit avec éloquence: «Ces morceaux, autrefois cantonnés à des boucles sonores et à des formats limités, méritent d’être réimaginés, honorés et interprétés avec le même respect que n’importe quelle grande œuvre de la musique américaine. Cet album s’inscrit dans notre effort continu pour bâtir ce que nous appelons désormais “Le Grand Répertoire des Chansons de Jeux Vidéo”.»
Reste que cet album ne m’aura pas totalement convaincu. Mais il m’aura fait sourire à plusieurs reprises, tant les efforts déployés par ces artistes sont impressionnants.
Thierry De Clemensat
Member at Jazz Journalists Association
USA correspondent for Paris-Move and ABS magazine
Editor in chief – Bayou Blue Radio, Bayou Blue News
PARIS-MOVE, July 9th 2025
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To buy this album (and full album credit)
Tracklist :
- Intro to Album 5
- Wii Sports Theme – from “Wii Sports”
- Brinstar – from “Metroid”
- Super Mario Bros. 3 Overworld Theme – from “Super Mario Bros 3”
- Kass’s Theme – from “The Legend of Zelda – Breath of the Wild”
- Waluigi Pinball (ft. Matthew Whitaker) – from “Mario Kart”
- No More What Ifs (ft. Martina DaSilva) – from “Persona 5”
- Super Mario World Overworld Theme – from “Super Mario World”
- Space Junk Road – from “Super Mario Galaxy”
- Tokyo Daylight (ft. Andy Arthur Smith) – from “Persona 5”
- Casino Night Zone – from “Sonic The Hedgehog 2”
- Megalovania – from “Undertale”
- Super Mario Praise Break – themes from various Mario titles
- Kass’s Theme (Choro Version) – from “The Legend of Zelda – Breath of the Wild”