| World |
Né en octobre 1963 à Ribeira Brava (sur l’île de São Nicolau au Cap-Vert), Teofilo Chantre grandit à São Vicente, qu’il quitte à quatorze ans pour s’installer avec sa famille à Paris. Cet exil de sa terre natale a aiguisé sa créativité, le menant à composer, dès son adolescence, des chansons inspirées des mornas et coladeiras de son pays. Également sensible à d’autres musiques lusophones (notamment la brésilienne), sa réputation de chanteur et compositeur incita Cesária Évora à reprendre trois de ses chansons sur son album “Miss Perfumado”, qui lui valut la consécration internationale. Tout en continuant à composer pour d’autres artistes (comme le chanteur Dudu Araujo), Teofilo s’est également imposé en tant qu’interprète, et a enregistré plusieurs albums, dont “Di Alma” en 1997 et “Viaja” dix ans plus tard. C’est notamment à lui (et à Goran Bregovic pour la musique) qu’Emir Kusturica doit l’entêtant “Ausencia”, figurant sur la B.O. de son film “Underground” (Palme d’or à Cannes en 1995). Guitariste et arrangeur hors pair, Teofilo enrichit sa morna en y injectant du jazz et de la bossa, tout en y incorporant des instruments originaux comme la contrebasse, l’accordéon, le cavaquinho et diverses percussions. Il introduit cette nouvelle moisson en ces termes: “Je suis heureux de vous présenter mon nouvel album, enregistré majoritairement au Cap-Vert avec le concours de musiciens locaux, dont Hernani Almeida qui en a assuré la production. Ce retour aux sources m’a procuré beaucoup d’émotions, j’ai marché sur les traces de mon enfance, de mes premières mélodies qui me venaient lorsque, enfant, je m’émerveillais du spectacle de la baie de Mindelo sur l’île de São Vicente. J’ai voulu retranscrire cette émotion dans ces chansons mélancoliques, nostalgiques et festives qui célèbrent la vie. Dans le titre qui donné son nom à l’album un passage dit: “Émotionnellement relié à toi pour toujours”… C’est mon état d’esprit envers l’équipe qui a permis la réalisation de cet album, et envers celles et ceux qui l’écouteront.”. Et de fait, y alternant des styles comme le funana, la coladeira, le mazurka, la bossa nova et la morna, ces quatorze nouvelles chansons distillent bien cet irrésistible mélange de tristesse et de légèreté qui caractérise l’esprit capverdien. Si “Doce Sodade” et “Falá Ma Mi” empruntent leur beat au Brésil, le nonchalant “Tchoron” s’apparente pour sa part au Son cubain d’Eliades Ochoa. Mazurka initialement destinée à Cesaria Evora, “Futuro d’Evoluçao” évoque la dichotomie entre l’inéluctable transformation du monde et la nécessaire préservation de ses traditions, tandis que la coladeira “Beijo Di Sociedad” traite de l’épineuse question de l’intégration des jeunes dans la société. Deux plages en français émaillent cette set-list. Sur des paroles de Marc Estève (Henri Salvador, Art Mengo, Enrico Macias…), “Ma Petite Musique” et “Quand On A Le Cœur À l’Ouest” s’obstinent ainsi à questionner la condition des déracinés. Le spleen envoûtant que distillait la diva aux pieds nus diffuse encore sur les languides “Adê Mucim”, “É Sô Dó”, “Bô Voz” et “Emocionalmente”, tandis que “Nada Tudo” et “Serenata Pa Nha Mãe” perpétuent ce mariage du sucré et de l’amer typique de la morna (que le grand public a désormais adoubé sous le terme de saudade). Sans trop se forcer, ne pourrait-on en effet traduire l’état civil de Teofilo par “chanteur aimé de Dieu”?
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, December 2nd 2024
Follow PARIS-MOVE on X
::::::::::::::::::::::::::