Indie

Après deux EPs remarquables (et remarqués), le jeune trio lillois Tapeworms franchit donc l’étape fondatrice d’un premier album aussi aérien et déterminé que ses membres peuvent se révéler eux-mêmes au naturel. Le single “Safety Crash” évoque ainsi les temps bénis où Pixies, Breeders et Pavement dominaient la scène indie. Si le terme shoegaze désignait naguère des post-ados introvertis incapables de lever le nez du manche de leurs guitares, sa traduction par Tapeworms évoque plutôt le mélange de facétie et de sourde mélancolie représentatif de la génération post-COVID. De “Next Time (Maybe)” à “Dog Concern”, l’amalgame de sons numériques cheap (évoquant parfois des soundtracks de jeux vidéo, cf. “Soba”) et de murs de guitares hérissées s’avère déterminant. L’héritage lointain d’un grunge mort-né (les imparables “Crush Your Love” et “Round And Round”, comme de miraculeux outtakes des Smashing Pumpkins d’avant la gueule de bois et les plans marketing) côtoie ici l’introspection de titres électro-pop tels que l’intermède “Smiling Through It All” ou le radio-friendly “Palm Reading”. La plage titulaire est à cet égard exemplaire: s’ouvrant sur une time-signature que n’aurait pas renié le Yes de “Tormato” (sic), elle débouche ensuite sur une brit-pop mancunienne décalée, façon Stone Roses et Primal Scream grand teint. Avec l’insolent culot de sa jeunesse, Tapeworms dessine ici le projet d’un futur lumineux, sous réserve toutefois de pugnacité. Et si plutôt que ténias, ces jeunes gens s’avéraient finalement plus teigneux qu’ils ne le paraissent? Un album qui s’incruste en tout cas dans votre cortex avec la même détermination vorace que celle du ver solitaire.

Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, September 20th 2020

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