World Music

Issu, comme ses aînés (et inspirateurs) Tinariwen, de la région de Kidal (au Nord-Est du Mali), Tamikrest est désormais reconnu parmi les porte-étendards de ce fameux desert-blues, que des activistes tels que Robert Plant et Justin Adams révélèrent au public occidental. Ajoutant un volet supplémentaire à l’éventail des musiques du monde, ces rebelles touaregs contribuent à inscrire sur la carte du monde un territoire dont ils revendiquent par ailleurs en vain l’autonomie politique. Lancinante et incantatoire, portée par des rythmes et des chants ancestraux (mais selon des arrangements résolument modernes), leur musique véhicule la langueur et la mélancolie des sourdes mélopées que charrie le simoun. Éternel nomade, Tamikrest est d’abord allé enregistrer au Japon, et plusieurs compositions de cet album furent ainsi initiées sur des instruments traditionnels locaux. Un typhon étant venu contrarier leurs plans, un seul titre de ces sessions au pays du Soleil Levant subsiste ici (le final “Tabsit”), présentant deux musiciens japonais à leurs côtés. Le reste fut capté dans la campagne française, sous l’égide du producteur de Tinariwen, David Odlum. La grande vocaliste marocaine Hindi Zahra mêle son timbre envoûtant aux tourneries hypnotiques de “Timtarin”, tandis que l’introductif “Awnafin” confirme les liens existant entre musiques berbères et celtes, et que “Ahna Achal Wad Namda” dézingue pleins gaz le boogie du Sahara. “Azawad” n’est autre que le nom par lequel les Touaregs désignent leur terre natale, dont on leur refuse l’administration depuis des lustres. Du klezmer au Mississippi blues et à Slimane Azem, la quête de la terre perdue constitue bien le fil du spleen de l’exil.

Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, February 27th 2020