TAJ MAHAL – Savoy

Stony Plain
Swing
TAJ MAHAL

Henry Saint Clair Fredericks (dit Taj Mahal) a soufflé ses 80 bougies le 17 mai dernier. Fils d’une institutrice fan de gospel et d’un pianiste de jazz (et frère de la défunte Carol Fredericks, que nos compatriotes découvrirent aux côtés de JJ Goldman et Michael Jones), Taj débuta en 1964 au sein des Rising Sons, auprès de son ami Ry Cooder et des batteurs Ed Cassidy (futur Spirit) et Kevin Kelley (futur Byrds), avant d’entamer la carrière solo qu’on lui connaît. D’un éclectisme exemplaire, son parcours le mena du blues acoustique aux musiques des Antilles et sud-américaines, en passant par l’Inde et le Mali (avec Ali Farka Touré et Toumani Diabaté). Si, à la tête de son Phantom Blues Band, Taj a démontré de longue date son goût pour le swing et le rhythm n’ blues cuivré, il n’avait à l’évidence jamais puisé si profondément dans les racines de ce courant. Le Savoy Ballroom fut en effet, de son inauguration en 1926 à sa clôture en 1958, le plus fameux club de Harlem. S’y produisait alors la crème des big bands de cette époque dorée du jazz à New-York (de celui de Cab Calloway à ceux de Chick Webb et Fletcher Henderson), et maintes stars d’alors y tenaient leur rond de serviette (de Louis Armstrong à Sydney Bechet, en passant par Ella Fitzgerald). Or, sans le Savoy Ballroom, le monde n’aurait sans doute jamais connu Taj Mahal, puisque c’est précisément en ce lieu que ses parents se sont rencontrés… C’est sous l’égide conjointe de son ami John Simon (producteur historique du Band, de Simon & Garfunkel et de Janis Joplin, entre autres) et de Holger Petersen (patron de Stony Pain records) que Taj rend donc ici un hommage vibrant aux standards et aux somptueux arrangements de cette époque bénie. Enregistré au 25th Street Recording studio de Oakland, son house band californien comprend notamment l’immense guitariste swing Dany Caron (ex-band leader du regretté Charles Brown), ainsi que Ruth Davies à la basse, John Simon au piano et Leon Joyce Jr. aux baguettes, tandis que la section de cuivres  comprend pas moins de sept instrumentistes, et que trois choristes féminines l’agrémentent de savoureux vocals à la Manhattan Transfert (cf. “Killer Joe” de Benny Golson, où Taj s’efface pour se concentrer sur l’harmonica). Les 14 pépites que dévoile cette célébration composent une set-list top notch, depuis le “Stompin’ At The Savoy” d’ouverture (sur la coda duquel Taj scatte comme Louis Armstrong) jusqu’aux “Caldonia”, “Is You Is Or Is You Ain’t My Baby” et “Gee Baby, Ain’t I Good To You” de Louis Jordan, en passant par les incontournables “Summertime” et “Lady Be Good” de Gershwin, et les “Mood Indigo”, “I’m Just A Lucky So And So” et “Do Nothing ‘Till You Hear From Me” de Duke Ellington. Maria Muldaur passe en amie minauder sur le “Baby It’s Cold Outside” de Frank Loessler qui, comme “Sweet Georgia Brown” et “Baby Won’t You Please Come Home”, bénéficie du violon façon Grappelli d’Evan Price. Avec la patine du temps, le timbre vocal de Taj Mahal n’a rien perdu de sa puissance ni de son expressivité, mais le voilé abrasif qu’il véhicule désormais sied à merveille à ce répertoire, le préservant à bon escient du crooning peril, tandis que les interventions concises des six cordes fluides du grand Dany Caron retrouvent les accents ourlés qu’il servait sous la houlette de l’amiral Charles Brown (“Killer Joe”, again). Swinguante et soyeuse à souhait, voici donc une perle de plus à ajouter à la discographie du grand homme, et assurément l’un des sommets de cette année!

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, April 23rd 2023

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