SYLVAIN SYLVAIN – Live In New York ’80

Keyhole
Rock
SYLVAIN SYLVAIN - Live In New York '80

Que reste-t-il de nos amours? Depuis la disparition de Sylvain Mezrahi (alias Sylvain Sylvain, le 13 janvier dernier), David Johansen demeure l’ultime légataire et survivant d’une formation qui secoua brièvement le Landerneau rock des seventies, au point que ses soubresauts telluriques se ressentent encore de nos jours (demandez donc à nos Guttercats et Bad Losers). Car sans les New-York Dolls, il n’y aurait sans doute eu ni Sex Pistols (dont le manager machiavélique fit auparavant ses classes auprès d’eux), ni Clash (Mick Jones n’avait-il pas nommé l’un de ses groupes de préfiguration les London SS?), ni même David Sylvian (dont on oublie trop souvent qu’outre son pseudo translucide, son groupe, Japan, était à l’origine une sorte de copie carbone des Dolls), voire Kiss (le make-up outrageant et les platform boots argentées). On aurait tort cependant de réduire les Dolls aux étiquettes glam (seulement connotée par leur look) ou punk. En dépit de ses approximations, ce gang affichait d’emblée des références dont la plupart de leurs héritiers putatifs étaient dépourvus (Bo Diddley, Shangri-Las, Coasters, Willie Dixon…). Si leur second album avant le split du line-up historique avait pour titre prémonitoire “Too Much Too Soon”, cinq ans plus tard, hormis la paire erratique Nolan-Thunders (camée jusqu’à l’os) et David Johansen (brièvement signé sur Blue Sky, label de Johnny Winter), Arthur Kane était déjà aux fraises et Sylvain… Comme de coutume, ce dernier continua d’assumer la dimension rétro et chaplinesque qu’il insufflait à son groupe initial. Après trois albums plutôt sympa chez RCA (respectivement en 79, 81 et 84), on assista donc à la guirlande de flammèches furtives dont sont coutumiers les artistes dits cultes, dès lors que 98% du public mainstream les a relégués à une traversée du désert. Et selon la macabre tradition qui préside en la circonstance, son cadavre était encore tiède que les hyènes opportunistes ressortaient des catacombes quelques gemmes longtemps demeurées obscures. Cet enregistrement de mars 1980 (live à My Father’s Place) bénéficie d’un son tout à fait décent (il fut alors retransmis sur WLIR-FM), et c’est sans doute le plus fidèle témoignage de ce que Sylvain parvenait à transcrire de sa légende sur les planches. Dès “What’s That Got To Do With Rock N’ Roll”, on y retrouve en effet la verve tapageuse et provocante des Dolls, avec toutefois un certain bordel en moins. Ce qui signifie que le band qui accompagnait alors le nabot frisé se révèle ici super professionnel: le saxophone de Curtis Fields assure la pompe comme Bobby Keyes, et le piano boogie de Bobby Blaine pulse comme celui de Ian Stewart. Bref, pour ceux qui en douteraient encore, son “Teenage News” (rescapé du troisième album avorté des Dolls) riffe comme du Stones vintage, tandis que la lead guitar de Johnny Rao balance des licks évoquant ces trainées de kérosène qu’essaimait la Gibson SG de Johnny Thunders. L’esprit des Dolls traverse encore les turbulents “Emily” et “14th Street Beat” (auxquels ne manque en définitive que le timbre rauque de Johansen pour en parachever l’effet), ou encore les jubilatoires “The Kids Are Back” et “Closer Together” (tous deux réminiscents des early-Who). Ourlée d’un clavier virevoltant, la basse cite curieusement “Norwegian Wood” sur la coda de la ballade “Without You”, tandis qu'”I’m Sorry” n’aurait pas déparé le “Double Fantasy” d’un Lennon refroidi à quelques blocs de là, quelques semaines auparavant. La reprise boogie éperdue du “Ain’t Got No Home” de Clarence Frogman Henry préfigure Buxter Poindexter de quelques bonnes longueurs (avec piano et sax typiquement R&B), tandis que la soul ballad “Deeper And Deeper” rappelle cet italian feel qu’administraient jadis Dion DiMucci et les Beatles aux bluettes d’Arthur Alexander. Cerise sur les pancakes, ce set revigorant se conclut en apothéose sur une cover échevelée du “Dirty Water” des Standells (dont les Inmates avaient alors entrepris la restauration, avec le panache que l’on sait). “Wow, New-York City, you’re my home”!

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, August 21st 2021

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