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Formidable ouvrage que cette introduction à Syd Barrett proposée par EMI qui a l’incontestable mérite de s’adresser aussi bien aux amateurs inconditionnels du Floyd de la première époque et aux mordus du Pink Floyd toutes époques confondues qu’à tous ceux qui n’avaient jamais eu l’occasion d’écouter la musique d’un des fondateurs du mythique Pink Floyd.
Car même si, pour beaucoup, l’ère Pink Floyd démarre avec ‘Ummagumma’ ou ‘Atom Heart Mother’, le groupe avait déjà sorti deux LP sur lesquels était présent Syb Barrett: ‘The Piper at the Gates of Dawn’ sorti en août 1967 et suivi un an plus tard par le fameux ‘A Saucerful of Secrets’, même si la contribution de Syd sur ce second opus fut nettement inférieure au précédent.
Mais revenons quelques années en arrière, au début des années 1960, quand Roger Waters, Roger Keith ‘Syd’ Barrett et David Gilmour habitaient la même ville, Cambridge, s'initiaient mutuellement à l'apprentissage de la guitare blues, folk et rock. Roger Waters, de son côté, fit la connaissance de Nick Mason et Rick Wright alors qu'il poursuivait ses études à l’école Polytechnique de Londres. Syd Barrett, lui, préparait les Beaux-Arts et David Gilmour, dont les parents avaient émigré aux États-Unis, était allé s'installer en France.
Pendant l’automne 1965, le trio Waters, Mason et Wright forme avec trois autres musiciens un groupe de pop du nom de Sigma 6 qui devient très rapidement les Architectural Abdabs, puis Screaming Adbads et finalement Tea Set. En 66, Syd Barrett rejoint le trio Waters, Mason et Wright au sein de Tea Set qui se voit dans l’obligation de changer de nom, étant à l’affiche d’un concert avec un autre groupe portant le même nom que le leur. En créatif convaincu, Syd Barret propose le nom de The Pink Floyd Sound, une référence à deux musiciens de blues qu’il apprécie, Pink Anderson et Floyd Councila. Trop long, le nom du groupe va être réduit à deux mots, Pink Floyd (*).
Propulsé au-devant de la scène underground londonienne grâce au périodique International Times et aux concerts à l'UFO Club organisés par John Hopkins et Joe Boyd, le groupe joue des compos principalement écrites par Syd Barrett et qui sont un mélange de rock psychédélique américain, de whimsy britannique et de blues, notamment dans les solos de guitare. Une influence blues très forte dans le jeu de Syd, ainsi que le démontrent quelques titres présents sur cet album, comme ce ‘Bob Dylan Blues’.
Le 6 mars 67, le Pink Floyd passe pour la première fois à la télévision anglaise, sur Granada TV, à Manchester, et y interprète ‘Interstellar Overdrive’. Il signe également un contrat avec EMI et sort deux singles, ‘Arnold Layne’, le 11 avril, et ‘See Emily Play’, le 16 juin. Deux titres mythiques qui ouvrent dans cet ordre ce tout nouvel album-hommage à Syd Barrett produit, il faut le souligner, par David Gilmour qui fut d’ailleurs, et cela peu de gens le savent, coproducteur et producteur de deux LP de Syd, ‘The Madcaps Laughs’ et ‘Barrett’.
Bannie des radios pour ses paroles trop explicites, ‘Arnold Layne’ atteint tout de même le Top 20 et renforce Syd dans le sens créatif qui est le sien et qu’il va libérer à sa façon sur le premier album du groupe, ‘The Piper at the Gates of Dawn’, sorti le 5 août 67. Ce 33 Tours dont le titre est tiré d'un chapitre du ‘Vent dans les saules’ de Kenneth Grahame, est considéré, depuis, comme l’exemple typique de ‘psyché folk’ britannique. Enregistré au fameux studio Abbey Road alors que dans ces mêmes studios les Beatles mettent la touche finale à leur album ‘Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band’, l'album connait le succès au Royaume-Uni et le 14 novembre, le groupe entame une tournée avec…Jimi Hendrix.
Mais en 1968, le Pink Floyd va traverser une période difficile, car Syd Barrett souffre d'une dépression nerveuse attribuée notamment à l'usage prolongé de drogues psychédéliques et à la pression de la vie en groupe, des enregistrements et des tournées. Il s'avère également que Syd souffre de schizophrénie, qui ne se serait manifestée que tardivement et sans doute déclenchée par l'usage des drogues, la fatigue et le stress. Ses performances scéniques s’en ressentent et il lui arrive par exemple de jouer la même note pendant tout un concert.
Son comportement dans la vie de tous les jours est devenu imprévisible et pose de gros problèmes à son entourage: il oublie où il se trouve, ne se rend pas aux concerts. Pendant l’un de ces concert, en plein ‘bad trip’ d'acide, il arrache les cordes de sa guitare et s'enfuit en courant. Pour permettre tout de même au groupe de jouer les concerts prévus, les autres membres du Floyd invitent leur pote d’enfance, le guitariste David Gilmour, revenu à Londres. Il est officiellement intégré à la formation le 18 février et le groupe joue ainsi à cinq pendant quelques semaines, avant d'exclure définitivement Syd Barrett de Pink Floyd le 6 avril.
Syd va toutefois enregistrer deux albums solos dans les années qui suivent: ‘The Madcap Laughs’, en 1970, et ‘Barrett’, en 1971. Contrairement à la rumeur qui faisait état de rupture définitive entre les personnes, David Gilmour et Rick Wright vont soutenir Syd en produisant et même en collaborant à ses albums. Souvent, Syd arrivait en studio sous l'emprise d'acides et c’était Gilmour qui devait, de temps en temps, reprendre quelques prises jugées inaudibles.
Le Pink Floyd lui rendra d’ailleurs un hommage appuyé, en 1975, dans l’album intitulé ‘Wish You Were Here’.
Comme le démontrent de nombreux titres proposés sur cette introduction à Syd Barrett, les chansons de Syd doivent beaucoup à la comptine, mais ce sont sa façon de modeler la structure de la chanson par rapport à la longueur des paroles, son traitement inédit de la cassure harmonique, sa maîtrise du chaos, comme sur ‘Apples and Oranges', son chant juste mais toujours à la limite de la cassure, qui donnent à ses compos ce son et cette ambiance unique, incomparable.
Fin parolier qui jongle avec les jeux de mots, il peut écrire des musiques simplistes et follement mélodieuses, comme pour ‘Terrapin’, ou diaboliquement complexes et triturées en tous sens. Son second LP, ‘Barrett’ fut d’ailleurs enregistré avec les membres de Soft Machine, groupe anglais réputé à l’époque pour son psychédélisme novateur.
Personnage énigmatique et adulé à la fois, Syd Barrett était sur la corde raide, là où sans doute personne d’autre n’aurait pu avancer. En 75, alors que Pink Floyd enregistre l'album ‘Wish You Were Here’ sur lequel figure notamment ce titre dédié à Syd, ‘Shine On You Crazy Diamond’, Syd Barrett vient voir ses amis. Décrit par les ingénieurs qui ont assisté à la scène comme ayant beaucoup grossi, totalement rasé, sourcils y compris, et ayant un comportement plus qu'étrange car sautant dans tous les sens et se brossant les dents, Syd est méconnaissable. Les membres du Floyd, dans un premier temps, ne le reconnaissent même pas et Roger Waters confiera plus tard s'être effondré en larmes quand on lui annonça qu'il s'agissait de Syd.
Parti le 7 juillet 2006, à 60 ans, à cause d'un cancer du pancréas, Syd Barrett demeure une des icônes de la musique pop des 70’s et une des plus brillantes étoiles dans la constellation de la musique du millénaire passé. Une icône qu’il faut absolument (re)découvrir au travers de ce superbe album produit par celui qui le remplaça au sein de Pink Floyd, David Gilmour. Un album indispensable, réellement indispensable!
Un opus d’autant plus indispensable qu’il vous propose cinq chansons remixées par Damon Iddins et Andy Kackson, des studios Astoria, un remix de ‘Matilda Mother’, du Pink Floyd, et la présence de David Gilmour à la guitare basse rajoutée sur un titre. Pour que cette introduction à Syd Barret soit digne du joyau qui brille, là-haut, tout là-haut, pour l’éternité…! ‘Shine On You Crazy Diamond’!
(*) Précision: contrairement à ce qui a été dit, et même traduit en France, Pink Floyd ne signifie nullement ‘flamant rose’, le flamant se traduisant même en anglais par flamingo.