Steve Tallis and The Holy Ghosts – Loko

Autoprod.
Blues
Faute avouée étant à moitié pardonnée, j’avoue que j’avais zappé cet opus de Steve Tallis. Pourquoi l’avouer aujourd’hui? Mais tout simplement parce que l’album en question est l’un des vingt ou trente meilleurs albums de blues acoustique qu’il m’ait été donné d’écouter depuis plus de quarante balais. Voilà qui est dit et qui vous fait comprendre le pourquoi de ce ‘mea culpa’ en public.
 
Dès le premier titre, ‘The Blessing’, les chœurs aborigènes et les claquements de mains vous foutent un frisson pas possible que prolongent la guitare acoustique et la voix de Steve Tallis sur ‘Animal’. Ca vous prend direct aux tripes et au cœur et ca ne vous lâche plus. Et quand par-dessus tout ça vous avez le violon qui vient faire gémir ses cordes dans le creux des oreilles, vous n’avez même plus à prendre de billet pour vous envoler pour l’Australie car vous y êtes déjà, sous un soleil de plomb, au cœur de la tribu des Holy Ghosts, les fidèles du chaman Steve Tallis.
 
Avec ‘Papa Loko’, vous prenez une seconde baffe, énorme, car le Steve change de style comme d’air, d’atmosphère ou de couleurs musicales comme il le sent, comme vient le vent. La voix est lointaine et semble vous parvenir comme après un long voyage, usée mais encore forte, fière et droite. La guitare est à l’image de la voix humaine, ferme mais usée jusqu’à la corde. La sixième, la dernière, celle qui ferme la voie, avec un ‘e’, avant de rejaillir, lumineuse, éclatante, sur ‘Healing By The First Intention’. Tout comme le violon qui se fait spatial, aérien, divin.
Le griot Steve Hallis vous colle ici encore des frissons pas possibles tant sa voix porte, s’élève, avec des intonations qui feraient parfois passer Bob Dylan pour un frère jumeau. Un jumeau qui aurait perdu cette rage interne qui anime cette flamme immense qui brûle en Steve Tallis. Une flamme qui n’a cessé de brûler en lui depuis sa plus tendre jeunesse.
 
Autant marqué par ses racines culturelles macédoniennes que par la musique de l’Est du bassin méditerranéen et par des artistes tels Dylan, Hendrix et les Stones dont il s’est imbibé plus que de raison grâce aux radios australiennes, Steve Tallis est parti très tôt à la recherche des racines du blues, développant à sa manière ses aspects les plus tribaux.
Tout à la fois brillant songwriter et voyageur au long cours, le chanteur-guitariste a vécu et joué sur tous les continents, a accompagné Clapton, B.B. King et Van Morrison tout en conservant sa personnalité et son indépendance, gardant sans cesse en lui cette passion sans limite pour des bluesmen tels Leadbelly et John Lee Hooker. Fou et fan de Tom Waits autant que d’Ali Farka Touré, partagé entre folk, blues et gospel, Steve Tallis s’en ira jouer en Inde, au Pakistan puis en Afrique, faisant croiser la route du blues par celles d’autres musiques tout aussi prenantes.
 
C’est suite à cette série de voyages initiatiques que Steve Tallis va écrire, composer les chansons qui vont aboutir à ce pur chef d’œuvre qu’est ‘Loko’. Un album de 15 titres qui vous propose pas moins de 71 minutes d’excellente zik, ce qui, par les temps qui courent, est à signaler, pas mal d’artistes ayant allègrement zappé le fait qu’un CD pouvait contenir et offrir bien plus que 35 ou 40 minutes de musique. Ces mêmes artistes qui ensuite viendront pleurer sur l’épaule des médias pour cause de crise du disque et de piratage.
 
Enregistré en une seule prise live d’environ cinq heures, ‘Loko’ est une œuvre brute de décoffrage, sans overdub et ces autres subtilités techniques propres à refroidir très souvent une œuvre faite dans l’instant, enregistrée ‘live’ en studio. Ce qui faisait justement la force et la beauté des 33 tours d’une autre époque et que les CD sont venu chasser, jetés à leur tour dans les bas côtés par le numérique. Jusqu’au jour, j’en suis sûr, où le monde retrouvera raison et que les 33 tours rempliront à nouveau les bacs des disquaires.
 
Quelques titres tels ‘Prayer Wheel’ et ‘Dynamite’ sont dignes de figurer dans le Top 20 des meilleures chansons de ces dix dernières années, toutes catégories musicales confondues. C’est dire.
Faut avouer que l’album est d’une qualité irréprochable, avec ses petites imperfections, certes, mais qui donnent justement à cet opus un côté exceptionnel, événementiel unique. Un must, indiscutablement !
 
Frankie Bluesy Pfeiffer
 
A consulter:
Steve Tallis