STEPHEN FEARING – The Unconquerable Past

Fish Records
Americana
STEPHEN FEARING - The Unconquerable Past

Quiconque cite en introduction “les disques sont comme les saucisses: si vous appréciez les uns autant que les autres, vous ne gagnerez rien à savoir comment c’est fabriqué” ne peut que s’attirer notre sympathie… Co-fondateur avec Tom Wilson et Colin Linden du super-combo canadien Blackie & The Rodeo Kings, Stephen Fearing n’en poursuit pas moins une prolifique carrière solo, dont voici la 13ème livraison à ce jour (il a également enregistré deux albums avec l’auteur-compositeur irlandais Andy White). Issue d’une citation du roman de Patrick De Witt “The French Exit”, cette nouvelle collection d’originaux considère les pour et contre de la sentence de George Santayana: “ceux qui méconnaissent le passé sont condamnés à le revivre”. Unanimement reconnu pour ses compétences en tant que guitariste acoustique, ce brave Stephen Fearing n’en recourt pas moins à une palette variée d’orchestrations et d’arrangements. Ce sont bien ses impressionnantes qualités de songwriter qui sautent ici aux oreilles, dès le poignant et réflexif “Break Our Mother’s Heart” (dont l’aune s’élève au niveau de celle du regretté Jim Croce). Cette veine confessionnelle se poursuit avec les enlevés “Gold On The River” et “Stay With Me”, dont Springsteen et Pete Townshend eux-mêmes pourraient s’avouer jaloux. On imagine d’ailleurs sans peine un jeune Roger Daltrey chanter avec toute la sensibilité dont il demeure capable les pétrifiants “Marie” et “Someone Else’s Shoes”, sur la délicate trame piano/guitare que tissent les six cordes de Stephen Fearing et les ivoires de Jeremy Rusu. La plage titulaire embrasse la facture de la country-song la plus orthodoxe (steel-guitar et chœurs à l’appui), et l’on y mesure le respect sincère que voue Fearing à des figures tutélaires telles que George Jones et consorts. “Sunny” s’avère l’un des rares plaidoyers en faveur de la cause transgenre en pareil contexte, confirmant s’il le fallait encore l’espace particulier qu’occupe Stephen Fearing sur l’échiquier country-folk (où le précédèrent des pionnières telles que Mary Gauthier et KD Lang). Ma propre chérie arborant le même prénom, j’observerai une réserve de circonstance quant au roboratif rockabilly “Christine” (considérant ce que Gene Vincent n’aurait sans doute pas manqué d’en faire). Les languides three steps “Emigrant Song” et “No Country” reflètent la propre expérience de Stephen (qui naquit à Vancouver, mais grandit à Dublin avant de bourlinguer en Amérique du Nord, et de revenir se fixer en Colombie Britannique). Un album poignant, dont la sincérité touche au cœur.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, January 27th 2020