| Chanson française |
Du genre à ramener sa fraise au lieu de s’occuper de ses oignons, Stéphane Deraddi cultive un jardin secret où éclosent, comme des bourgeons, des ritournelles pas piquées des vers. Après un premier album (“Cui Cui”, chroniqué ICI), il revient, l’air de ne pas y toucher, avec une nouvelle fournée mi-musette, mi-orphéon, où la prédominance de textes gigognes (et parfois en tire-bouchons) s’épanche sur des rythmes et mélodies fleurant bon le pavé de Montreuil. Il n’emprunte pourtant pas tant à Fréhel et Bruant (son ADN à lui pencherait plutôt vers Boris Vian, Vassiliu et Béranger), mais à son écoute, on se sent tout de même plus près du zinc d’un café-buraliste périphérique que des ors et velours de Pleyel. Et c’est tant mieux, car comme chez Dutronc (quand Lanzmann et Segalen lui confectionnaient des paroles sur mesure), les chansons de Deraddi réfléchissent en miroir quelques menus travers de notre époque. Ainsi de “Mes Objets Intelligents”, qui moque gentiment nos addictions numériques sur un mode réminiscent des Négresses Vertes, tandis que selon le même format accordéon-tuba-batterie, le tango “Toujours La Gauche (Tangoche)” prévient : “À force d’aller à droite, on va finir par s’prendre le mur“, et que dans l’esprit des “Triplettes De Belleville”, le trépidant “Scate” nous assène une magistrale leçon de ragtime françaouis. “Ça C’est Lapin” pastiche plus ou moins consciemment le “Et Moi, Et Moi Et Moi” du papa de Thomas D., auquel s’apparente également “Le Consommateur”, sur le mode bourrée auvergnate du “Le Fond De L’Air Est Frais” co-signé en son temps par le dessinateur Fred. Son versant Béranger s’exprime avec “Idriss”, alors que “Chanter” et “Goal De Football” renvoient autant à Jean Yanne et Francis Blanche qu’à Vian. En duo avec Nour, l’arabo-andalou “Alvaro” épouse un beat chaâbi à nouveau récurrent des Négresses Vertes, tout comme “J’ai Pas La Rèfe”, introduit par le timbre familier de l’ami Stéphane Sanseverino (présent partout aux guitares électriques et acoustiques, ainsi qu’au banjo et au chant sur “Scate”). “Je Suis L’Amour” parachève la connexion avec l’esprit gaulois de Dutronc sur sa “Leçon De Gymnastique”: faut pas le prendre pour un gland, Deraddi, sinon on risque d’être venu pour des nèfles et de se retrouver marron…
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, October 5th 2025
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Concerts de sortie de l’album:
Samedi 18 octobre 2025 – 20h00: à La Brasserie Croix de Chavaux (8 Rue Désiré Charton, dans le Haut Montreuil)
Vendredi 18 décembre 2025 – 20h30: à L’ACP La Manufacture Chanson, 124 avenue de la République, 75011 Paris (avec des tas d’invités!)