Qu’au lendemain d’une crise économique particulièrement brutale aux conséquences sociales dévastatrices, trois jeunes musiciens s’attèlent à la tache difficile qui consiste à faire revivre la musique traditionnelle des années de la grande dépression n’est sans nul doute pas un hasard, même si les Carolina Chocolate Drops ou bien Samuel James, pour ne citer qu’eux, les ont précédés de quelques longueurs dans cette immersion dans la musique ‘d’autrefois’. Le ‘Old Time Blues’ est dans l’air du temps, et ce n’est pour nous déplaire.

 

Je m’empresse d’ajouter que les musiciens à l’initiative de la présente démarche ne sont pas non plus des nouveaux venus dans le monde du blues: Luther Dickinson, enfant prodigue du producteur de Memphis, Jim Dickinson, et guitariste du North Mississippi All Stars et des Black Crowes, pour le premier d’entre eux, Alvin Youngblood Hart, pour le second, sans doute ‘le plus moderne interprète de blues anciens du delta et celui qui en joue le plus sur la place’ (c’est Jim Dickinson lui-même qui l’écrit dans L’Independence du Mississippi. On peut donc se fier à son appréciation!), et Jimbo Mathus, pour le dernier de ce trio. Jimbo, lui, est à l’origine de la formation du groupe Squirrel Nut Zippers, en 1993, en Caroline du Nord, un groupe spécialisé dans le jazz manouche, le blues et le swing des années ’30, qui s’est séparé en 2002 avant de se reformer en 2007 pour une ultime tournée.

 

Les trois bluesmen nous font revire aussi bien des traditionnels comme ‘Jesse James’ ou ‘Hone Sweet Home’ qu’un vieux morceau de blues de Blind Willie Johnson ou une reprise de Mississippi Sheiks, orchestre à cordes familial formé en 1919 par le violoniste Ezell Chatmon. Ce n’est donc qu’avec de ‘l’ancien’ que les jeunes artistes américains réussissent le tour de force que de nous proposer quelque chose d’excellent que le temps n’a pas altéré mais, au contraire, fait sonner terriblement contemporain.

 

Dominique Boulay