Songs of our Native Daughters – Smithsonian Folkways

World Music

Songs of our Native Daughters – Smithsonian Folkways
Avec Rhiannon Giddens, Leyla McCalla, Amythyst Kiah et Allison Russell.

Songs of our Native Daughters (“Chansons des filles de notre pays”) s’inspire du titre de l’œuvre de James Baldwin, “Notes of a Native Son” (traduit en français sous “Chronique d’un pays natal” – nous reviendrons plus loin sur ce sujet).
Le concept de cet album est particulièrement passionnant et absolument essentiel. Il vient d’une visite privée et guidée au Musée de l’Histoire et Culture Afro-Américaine à Washington, DC, une branche du Smithsonian. La grande musicienne/ auteur/ compositeur/ interprète Rhiannon Giddens et sa fille de 7 ans déambulaient tranquillement, et elles sont tombées sur un poème satirique de l’époque:
“I admit I am sickened at the purchase of slaves…but I must be mum, for how could we do without sugar or rum?”
(traduction: “Je l’admets, l’esclavagisme me rends malade… mais je dois me taire, parce qu’on ne peut pas vivre sans sucre ou rhum)
A l’époque, l’esclavagisme régnait, et les français, les néerlandais, les allemands et les belges étaient les plus impliqués dans l’esclavagisme qui permettait l’enrichissement de chaque pays respectif.
Giddens a envoyé cette phrase a son producteur, en pensant à notre ère de consommation (iPhones, téléviseurs, etc) et notre dépendance sur cet esclavagisme moderne. Giddens avait vu un film (“Birth of a nation”, 2016) où le traumatisme d’une femme esclave ayant été violée semblait appartenir plus à son mari qu’à elle-même.

(Note d’Ilene: on revient au choix de traducteur du livre de James Baldwin, cité ci-dessus… qui aurait dû être traduit ainsi: “Chronique d’un fils du pays” et non “Chronique d’un pays natal”, un peu comme si un seul homme parle pour tout le pays, les hommes et les femmes… ce qui n’était pas du tout l’intention de Baldwin)

Tous ces facteurs pris en compte ont été le point de départ d’un nouveau projet pour Rhiannon Giddens. Elle a donc invité une équipe d’artistes, toutes femmes noires et avec “beaucoup de choses à dire”, à écrire un album-concept ensemble: Leyla McCalla (qui a tourné avec Giddens pendant deux ans dans le groupe Carolina Chocolate Drops), Amythyst Kiah (auteur/ compositeur alt-country blues) et Allison Russell (du groupe Birds of Chicago).
Tous les quatre sont de merveilleuses chanteuses, et elles sont en même temps des virtuoses du banjo, de la guitare, du violon et du violoncelle. En fait, toutes les musiciennes du groupe jouent du banjo sur cet album, le banjo à cinq cordes, tenor, ou “minstrel” (une ancienne variété plus longue et plus lourde, faite de bois, de peau d’animal et de cordes en boyau). On ne doit pas sous-estimer l’importance de cet instrument d’origine africaine, le banjo, dans cette œuvre ainsi que dans la musique à l’origine de la diaspora africaine en général, héritières de l’esclavage.
Pour les fans des musiques des Appalaches, on trouve ici des sonorités pour nous rappeler que les origines du rock’n’roll se trouvent non seulement dans le blues, mais aussi dans la musique folk des musiciens noirs, celle des femmes aussi bien que les hommes.
Il est difficile pour moi d’avoir des titres préférés sur cet album, parce tous sont d’une beauté à vous couper le souffle, particulièrement quand toutes les quatre chantent en chœur. On dirait des anges sur terre (voir “Slave Driver”).
Voici les anges avec les pieds bien planté sur terre qui nous aident à digérer des sujets bien lourds, comme notre économie mondiale dépendant à l’esclavagisme (“Barbados”), la discrimination interraciale (“Black Myself”), les difficultés des travailleuses dans les métiers d’homme (“I knew I could fly” et “Polly Ann’s Hammer”), les discriminations historiques dans la domaine de l’éducation (“Better Git Yer Learnin’), et les horreurs vécues par les femmes esclaves (“Mama’s Cryin Long,” une histoire poignante qui est racontée par un enfant qui témoigne de la souffrance de sa maman).
…Mais il y aussi la joie de découvrir et fêter l’histoire de ses ancêtres (“Quasheba, Quasheba” et “Lavi Difisil”), l’amour de nos enfants (“You’re Not Alone”) et les joies de la musique, tout simplement (“Music and Joy”).
Mes moments préférés de cet album, c’est quand les joies triomphent des douleurs :
“ah you put the shackles on our feet
but we’re dancing
ah you steal our very tongue
but we’re dancing”

(Vous mettez des chaines à nos pieds
Mais nous dansons
Vous volez notre langue
Mais nous dansons)

“Moon Meets the Sun”

Un disque exceptionnel qui est une œuvre indispensable à la compréhension de la musique afro-américaine… bref, de la musique américaine.

Ilene Martinez
Bayou Blue Radio – Paris-Move

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Songs of our Native Daughters – Smithsonian Folkways – Album disponible ICI

The Making of “Mama’s Cryin’ Long” from Songs of Our Native Daughters: HERE

Songs of our Native Daughters (Giddens, Kiah, McCalla, Russell) – Mama’s Cryin’ Long on Soundcloud: HERE

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