Nous vous avions déjà signalé la saine émulation et les échanges qu’entretiennent de prestigieuses écoles de jazz telles le Berklee College Of Music de Boston, la Gnesins Russian Academy Of Music et le Jazzcampus de Bâle (notamment lors du remarquable “Expectations” du jeune saxophoniste russe Azat Bayazitov, chroniqué ICI). La démarche pédagogique de nombre de ces universités se traduit également par leur investissement dans la création. C’est ainsi que la vocaliste, compositrice, arrangeuse et enseignante sud-coréenne Song Yi Jeon (issue de l’University Of Music & Fine Art de Graz, en Autriche, et déjà à la tête d’une discographie comprenant un EP sur Blue Note, et deux albums – le premier à la tête de son propre quintette, et le second en duo avec le guitariste brésilien Vinicius Gomes) bénéficia du soutien de cette institution suisse envers le projet original que voici. Inspirée d’un art musical vernaculaire Coréen connu sur place sous le vocable de Samulnori (caractérisé par l’intrication rythmique de quatre instruments percussifs joués à l’unisson), l’orchestration des trois pièces qui constituent ces “Earthy Suites” est confiée à une section de quatre cuivres, qu’accompagnent un piano, une guitare électrique, une basse et une batterie. S’y ajoutent les parties vocales de Song Yi, ainsi que (sur deux d’entre elles) des samples de Samulnori issus du recueil de référence “After 10 Years: SamulNori Master Drummers/ Dancers Of Korea, 1978-1988“. Après une impressionnante introduction vocale en polyphonie (dont Song Yi exécute chacune des parties en re-recording), la (relativement) brève “Seya Seya” (transposition d’un chant folklorique Coréen) cède le pas à la pièce maîtresse “Suite One” (de plus de 21 minutes). Si l’on y retrouve avec bonheur le magistral contrebassiste Robert Koch (qui officiait déjà auprès de Azat Bayazitov sur l’album pré-cité), s’y distinguent également en solo le remarquable pianiste Noé Sécula et le guitariste Fabio Gouvea, tandis que la lead vocalist s’y révèle tout bonnement éblouissante en scat. On comprend aisément l’admiration sincère que nourrit à son égard une grande dame telle que Dianne Reeves. Au fil de son développement, cette pièce puissamment rythmée rejoint certaines explorations que popularisèrent des innovateurs tels que Duke Ellington (précurseur de l’introduction du style jungle dans le jazz) et Frank Zappa (notamment sur “The Grand Wazoo”). Le solo de contrebasse par lequel Robert Koch introduit l’apaisé “Suite Two” précède la voix de Song Yi (qui a manifestement étudié aussi le chant classique), pour évoluer en un lamento évoquant par instants les mélismes moyen-orientaux de divas telles que Fairuz, tandis que l’ensemble orchestral s’anime progressivement en un crescendo rappelant les démarches respectives d’Anthony Braxton et de Paul Bley, pour se conclure selon un démantèlement progressif. Aussi captivant que bouillonnant d’inspiration, un album dont chaque écoute révèle de nouveaux joyaux.
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, July 5th 2025
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En concert :
Samedi 12 juillet 2025: North Sea Jazz Festival (Den Haag/ La Haye, NL)
Dimanche 31 Août 2025: X Music Festival, Gwangju, South Korea