Sisters of the South – Music Maker

Dixiefrog – Harmonia Mundi
Blues

Nouveau volet de l’hommage rendu au travers de la fondation Music Maker qui œuvre pour la reconnaissance et le soutien vital aux musiciens oubliés, abandonnés ou tout simplement délaissés, ce double CD vous propose au travers de 46 titres et 7 bonus sous forme de vidéos des chanteuses au talent incontestable
Les deux CD permettent de découvrir ‘A Whole Life of Blues’, toute une vie de blues, une vie où le blues, pour beaucoup de ces chanteuses, fut le seul lien, ou le dernier, pouvant les rattacher à la vie. 

Certaines se sont, depuis, produit en France et leur nom s’affiche dans des festivals, voire même en couverture de magazines, comme l’indienne Pura Fé, ou Beverly Guitar Watkins, incroyable mamie-guitariste, ou la presque octogénaire chanteuse gospel Essie Mae Brooks. D’autres sortent à peine de l’anonymat, ou ont pu graver quelques titres avant de s’envoler pour un autre monde : Cora Fluker, celle qui avait dit à Tim Duffy que la musique flottait dans les airs et qu’a condition de vivre une vie exemplaire « je la retrouverais au paradis », Etta Baker, qui eut notamment le grand bonheur de voir Bob Dylan fêter ses 21 ans chez elle, ou Willa Mae Buckner, une femme au destin exceptionnel : elle aurait vu grandir James Brown, aurait fait contorsionniste, avaleuse de feu, ‘effeuilleuse comique’ et chanteuse de blues avec un goût prononcé pour les chansons grivoises. Willa fut d’ailleurs l’une des toutes premières à bénéficier des programmes d’aide mis sur pied par la Music Maker Foundation, ce qui lui avait permis de se produire au Carnegie Hall de New York où elle avait reçu une standing ovation. 

Parmi toutes les artistes présentées ici, impossible de faire ressortir l’une plus que l’autre car chacune saura vous émouvoir et vous faire taper du pied et des mains à sa façon : que ce soit Essie Mae Brooks et son gospel, Beverly Guitar Watkins et son jeu de guitare, Pura Fé et un superbe ‘Great Grammpah’s Banjo’, Algia Mae Hinton (accompagnée ici par Taj Mahal !) sur ‘You Don’t Have To Go’, Etta Baker et son ‘Sunny Tennessee’, Cora Fluker sur un ‘look How The World Has Made A Change’ de plus de 7 minutes, ou le très court (moins de une minute trente) et très enjoué ‘Soldier’s Joy’ précédé d’une petite explication de Etta Baker sur la manière dont elle joue le banjo (‘Talks About The Banjo’).

Quelques titres sont magiques, exceptionnels comme ce ‘Ain’t That Good News’ chanté par Sweet Betty, accompagnée seulement par des percussions, ou ‘It Was weaver’,  chanté par Cora Mae Bryant et qui suit un court mais intense moment d’émotion avec ce ‘Hambone’, une danse des plantations connue à l’époque de l’esclavage sous ‘Pattin’ Juba’ que le musicien rythme en se frappant les cuisses, la poitrine et les bras avec les mains. 

Et puis comment ne pas citer celle que Philippe Langlois, patron de Dixiefrog a surnommé ‘le soldat inconnu du blues’ – car on ne sait quasiment rien d’elle –, Annie Griggs, qui chante ici en duo avec le chanteur aveugle Cootie Stark une superbe version d’un standard, ‘You Got To Move’. Et pour vous prouver que tout ici dans ce double CD est véritablement indispensable, écoutez cette intense version du titre de Little Willie John, ‘Fever’, chanté et joué à la guitare par Precious Bryant, et ce monument qu’est ‘Motherless Children’, chanté par Pura Fé et dont la voix va vous faire dresser les poils. Inutile de vous dire qu’après avoir entendu ce titre vous n’échapperez pas à la magie Pura Fé et que vous foncerez tête baissé et yeux fermés sur les albums de cette indienne au charme et au charisme fous. Des albums que vous trouverez chez Dixiefrog, bien entendu.

Saluons encore ici le travail énorme, titanesque, effectué par Tim Duffy et son épouse pour faire reconnaître au travers de sa fondation des artistes oubliés, et qui, pour certains, avaient à peine de quoi survivre avant que Music Maker ne les prenne en charge, et le label Dixiefrog pour tous les efforts déployés pour valoriser le travail de la fondation Music Maker. 

Ces albums ont également permis à plusieurs musiciens et chanteuses de venir se produire en France et de recueillir (enfin) une reconnaissante et une notoriété méritées, même si, comme me le disait (et le chante) Essie Mae Brooks, le plus beau et le plus important est ailleurs et que….‘I Don’t Have To Worry Where I Spend Eternity’.
Un double CD absolument indispensable, INDISPENSABLE !

Frankie Bluesy Pfeiffer
BLUES MAGAZINE©
http://www.bluesmagazine.net

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