| Americana, Rock, Soul |
C’est une histoire comme en raffolent les Anglo-Saxons. Celle d’un jeune mec qui voit le jour dans le Queens à New-York en 1967, et n’a pas même fêté son quinzième anniversaire qu’il y officie déjà à la tête de son propre hardcore band, intitulé Heart Attack (nom funestement prémonitoire). Ces minots tentent bien de se frayer une place dans le mythique (mais souvent sordide) circuit des clubs locaux, mais sont recalés du CBGB (le fameux Hilly Kristal redoutant d’avoir à y servir de la bière à des mineurs). Après une autre tentative collective avortée (ironiquement appelée Hope), le gamin en question fonde D Generation avec certains amis d’enfance. Emblématique de la scène new-yorkaise des nineties, ce groupe enregistrera trois albums (dont le premier chez Chrysalis), tournera en première partie de Kiss, mais finira par jeter l’éponge à l’orée du nouveau millénaire. Trois ans plus tard, devenu jeune adulte, l’ex-môme publie en Angleterre chez One Little Indian (et Fargo chez nous) son premier album solo, produit par Ryan Adams (“The Fine Art of Self-Destruction”, tout un programme). La carrière de Jesse Malin (qui lui non plus n’usurpe pas son nom) semble cette fois bel et bien lancée, et il publiera huit autres albums en vingt ans, multipliant les collaborations (outre Adams, avec Lucinda Williams et Bruce Springsteen, ainsi que Joseph Arthur et certains membres de Green Day), tout en n’oubliant pas ses vieux potes pour organiser une brève reformation de D Generation en 2016 (et l’enregistrement de leur quatrième LP). Quand l’un d’entre eux eut à subir une sévère intervention chirurgicale en janvier 2022, Jesse lui organisa un concert de soutien (qui n’empêcha pas hélas son décès ultérieur – merci le COVID, qui recoupe le poil après que la faucheuse vous ait manqué de peu). Et c’est lors d’une soirée en hommage à cet ami disparu que le destin frappe alors le Malin: un infarctus de la moelle épinière le foudroie, et le laisse paralysé des membres inférieurs… À cette catastrophe physique et morale s’ajoute la précarité absolue que subissent (plus encore que tout citoyen lambda) les artistes et musiciens dans ce grand pays de liberté que se prétendent encore les États-Unis, et les traitements pour l’affection dont souffre Jesse sont longs et coûteux. C’est alors que, comme au cinéma (ou pour le regretté Ronnie Lane en son temps), un aréopage de zicos d’horizons les plus variés se mobilise à son tour pour lui venir en aide, et enregistre pas moins de 27 de ses chansons réunies sur ce double CD (décliné en triple LP vinyle), dont les bénéfices sont destinés à supporter Jesse au fil d’une convalescence qu’on lui prédit ardue. Au casting, outre Bruce the Boss, figurent en effet Elvis Costello, Lucinda Willams, Alejandro Escovedo, Ian Hunter, Graham Parker, Billie Joe Armstrong (Green Day), Tommy Stinson (Replacements, Guns n’ Roses, Soul Asylum), Dinosaur Jr, Susanna Hoffs (Bangles), The Hold Steady, The Wallflowers, Counting Crows, Rancid, Willie Nile, Gogol Bordello, Agnostic Front, Murphy’s Law, Bleachers et une sorte de supergroupe réunissant carrément Allison Mossart (The Kills), Steve Van Zandt, Tom Morello (Rage Against The Machine), Mike Watt (Minutemen, Stooges) et Wayne Kramer (MC5, dont ce doit être l’un des ultimes enregistrements). Bref, s’il n’était la cause qui les réunit en cette occasion, on pourrait presque parler de disque de Noël rêvé, mais la diversité des esthétiques et des traitements qui en parcourent le répertoire témoigne bien de la verve d’un songwriter de premier rang. Jesse Malin se produira (en fauteuil roulant) sur la scène du Beacon Theatre de New-York les 1er et 2 décembre prochains, en compagnie de Lucinda Williams, Jakob Dylan, Alejandro Escovedo, Jay Mascis et certains membres des Counting Crows et de The Hold Steady. Be there, if you can (or at least, buy the record, please).
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, November 5th 2024
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