Chanson française

Trente ans de carrière en marge des medias et des sentiers (re)battus. Trente ans de résistance, arc-boutée sur un farouche idéal d’indépendance. Gérard Manset? Dick Annegarn? Jean-Louis Murat? Vous rigolez? Au regard de celui dont il est ici question, ceux-là relèvent quasiment du mainstream… Frasiak alors, ou Marcel Kanche? Ah, sans brûler tout à fait, vous commencez quand même à vous approcher de l’affaire. Car bien qu’artiste confidentiel (et largement sans concession), Fred Signac en est tout de même “déjà” à son huitième album en trois décennies, et même si sa dernière livraison remonte à 2018, la niche de ses zélateurs bruisse à nouveau comme lors de chaque nouvelle parution de ce compositeur-interprète. Interprète en effet, car en dépit de leur dimension éminemment personnelle, c’est à un comparse (le fidèle Joël Rodde) que Fred confie le soin de ciseler ses textes (auxquels il adjoint ensuite sa musique, et jamais l’inverse). Comme chez Dutronc-Lanzmann en leur temps, ou la paire Bernie Taupin-Elton John, en somme. Il y a du Hubert-Félix Thiéfaine dans le “J’irai” introductif (ainsi que dans “Pas Joli” et “Une Paire De Gants Bleus”), du Bertrand Belin dans “Le Roi Nu”, “Bon Sang” et “Aucun Autre Que Soi”, du Thomas Fersen dans “Un Peu De Tout”, du Léo Ferré dans “Latitude Du Mal” et “Ici On Ne Voit Pas Loin”, ainsi que du Matthieu Boogaerts dans “Il Va Sans Dire”. Certes, mais aucune de ces références ne parvient à réduire l’authentique singularité de cet artiste intemporel. À la fois concises et somptueuses, les orchestrations que tissent Christophe Jouanno (e.bow, guitares électriques, orgue, guitare classique) et Éric Signor (claviers, basse, contrebasse, accordéon, trompette, percussions) confèrent à ces onze titres un écrin à la hauteur de leur sombre poésie. Co-signée Signac, donc.

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co

PARIS-MOVE, May 25th 2024

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