Shake Your Hips – Blues Twins

2 CD - Mosaic
Blues
Le titre de l’album, Blues Twins, est déjà à lui seul un signe, une annonce. Non, ce ne sont pas deux jumeaux qui vous jouent du blues mais un groupe de frenchies qui vous propose deux galettes, et bien différentes l’une de l’autre: un ‘live’ pour la première et un album studio pour la seconde. Un ensemble cool et classe, complété par un superbe livret made by ‘Dom-SD’. De quoi déjà vous faire saliver d’envie avant même de vous envoyer la première des deux galettes.
 
Pour ma part, et sans hésitation, je glisse le CD ‘live’ dans le lecteur. Et ça démarre fort avec ‘Slow Down’, avant d’enchaîner sur ‘Can't Keep A Good Man Down’. C’est punchy et ça envoie grave. A l’écoute, on sent que le groupe n’est pas face à une petite salle et que l’enjeu est de taille. Coup d’œil aux notes et effectivement, c’est confirmé, puisque ce ‘live’ n’est autre que le concert enregistré le 30 août 2008, en une seule soirée, au Festival des Rendez-Vous de l’Erdre, à Nantes.
 
Indiscutablement, les mecs de Shake Your Hips sont des bêtes de scène et cela se sent autant que cela s’entend. Ca jaillit de vos enceintes comme de la lave en fusion et ça vous éclabousse tout, du CD que vous pensiez pas si mal que ça au dernier ‘import’ de blues US si difficile à trouver. Après l’écoute de cet opus, vous en mettrez de côté, des albums ‘live’ que vous pensiez être vraiment bons, je peux vous l’assurer.
 
Et puis ce qui aurait pu être une faiblesse de cette première galette, un max de reprises (de Tommy Castro, Nico Wayne Toussaint, Jimmy Reed et Willie Dixon, entre autres) s’avère finalement d’une redoutable efficacité tant les Shake Your Hips vous embarquent avec eux. Un cocktail de titres dont vous apprécierez l’interprétation qui vous en est donnée ici. Hé oui, y’a des groupes qui, comme ça, s’imposent de suite à l’oreille, dès la première écoute.
 
Après une telle baffe on se demande si finalement on n’a pas fait une grosse bêtise en s’envoyant le ‘live’ avant le studio, mais le jumeau étant là, et bien là, faut se lancer.
 
Dès le premier titre, ‘Swingharp’, un instrumental, vous êtes cloué à votre fauteuil, ou bien déjà debout, et vous laissez filer l’album. Ca s’coue, ça balance, et c’est largement du niveau de la prestation du groupe en ‘live’. Ouf, oserait-on presque dire, tant le combo avait mis la barre bien haute avec le premier album.
De la même veine, celle où coule le sang le plus bleu du blues le plus pur, le second titre, ‘Shake’, prolonge le voyage, s’imposant presque déjà comme le futur titre phare du groupe avec ces ‘Shake, Shake, Shake,’ et ce ‘Shake Your Hips’, bien entendu. C’est subtil et direct à la fois. On ne s’embarrasse pas de fioritures et on fait avec le talent tel que sorti des braises, rougi à vif. De ce même rouge intense qui embrase ‘Gathering’ et son intro à l’harmo seul qui sonne façon cornemuse.
 
Putain d’intro signée Jean-Marc Hénaux et que l’on croirait venue tout droit d’Ecosse ou d’Irlande, avec ensuite cette sensation que guitare, batterie et basse sortent des bois couverts de brume telle des créatures imposantes auxquelles rien ne peut résister. Dommage que cette intro n’ait pas été reprise en fin de morceau, comme pour mieux nous replonger dans ces contrées humides où les cornemuses viennent jouer au bord des lacs, mais bon, je frôle là l’exigence absolue, et faut bien que le groupe en garde sous la semelle pour un prochain opus. Un groupe dont toutes les compos de ce second album montrent que les Shake Your Hips sont à deux doigts du Grââl, épaulés dans cette quête par des invités dont la présence apporte indéniablement un ‘plus’. Mais savoir s’entourer, n’est-ce pas là non plus le talent des meilleurs?
Ici, ce sont Bernard Sellam, de Awek, à la guitare sur ‘The Other Peace Of Me’, Michel Carras, ancien clavier de Luther Allison, à l’orgue sur ‘The Man I Used To Be’, Pat Boudot Lamot au dobro sur ‘Redbag’s Girl’ et Hervé ‘Bannish’ Joaquim, du Blues Power Band, au chant sur Eight O’Clock Blues’. Le tout est sacrément gouteux et ça vous glisse dans le gosier façon grand cru. C’est puissant et pas pour bobos en costard-cravate-cuisine-salle de bains, c’est explosif et ca vous remet sur le droit chemin, celui du blues, cette musique d’où tout est issu. Le rock comme la pop et le jazz.
 
Et histoire de lever le rideau sur les 5 lascars qui sont les artisans de ce double opus à convertir au blues les plus blasés d’entre vous, je vous glisse leurs noms comme ils me viennent, puisque ma voisine de palier m’a déjà piqué le livret du CD (ben oui, c’est du Dom-SD, alors ça fait tout de suite très ‘street art’ à placarder dans le salon): y’a donc Jean-Marc Hénaux à l’harmo,  Olivier Raymond à la guitare et aux chœurs, Freddy Miller au chant et les frangins Ferrié à la rythmique, avec Olivier à la batterie et Jérôme à la basse et contrebasse.
 
Avec ‘Mary Jane’ le groupe sait y faire pour vous replonger tête la première dans le grand bain du blues, le vrai, le pur, et sans vous donner à chaque instant l’impression que les années ont glissé entre vos doigts. C’est vif et ça vous remet direct dans la tranche des mecs qui ont vingt balais, quel que soit votre âge. Hé oui, allez, allez, bougez, Shake Shake Shake, Shake Your Hips.
 
Et puis, comme si tout avait été parfaitement dosé pour aller crescendo, c’est vers la fin de la galette que vous prenez une immense double paire de baffes. Avec ‘Eight O’Clock Blues’ tout d’abord, et ce duo Freddy Miller/Hervé ‘Bannish’ qui permet aux deux chanteurs d’évoquer la quête de leurs deux groupes, et donc celle de Zee pour le Blues Power Band. Un titre où les voix de ‘Bannish’ et Freddy se complètent à merveille pour finalement signer avec ‘Eight O’Clock Blues’ une des plus belles ‘chansons’ de blues de l’année.
 
Et puis seconde énorme baffe avec ce blues lent qu’est ‘The End Of It’. Un morceau tout aussi puissant et intense que le ‘The End’ du Blues Power Band et le fameux ‘The End’ des Doors, c’est vous dire… ! Comme si des deux mots avaient un pouvoir sur la musique.
‘The End Of It’: un morceau à vous faire dresser les poils, direct.
 
En fait, Shake Your Hips c’est pas seulement le refrain d’une chanson, pas seulement un groupe de blues de plus, mais ‘le’ groupe de blues du moment, incontestablement. Un groupe au cœur énorme, et comme on n’en entend que trop rarement. Un groupe qui, après ‘Caroline’s Smile’, sorti en 2006, vous propose là un bien beau coffret cadeau.
 
Un mot seul, et un seul, peut vous résumer ce double opus en question: MONUMENTAL!  Et donc indispensable. 

Frankie Bluesy Pfeiffer

Shake Your Hips