Blues |
Sam Phillips et Jimi Hendrix l’avaient imaginé les premiers, chacun à sa manière: le blues, le jazz, la soul et toutes les musiques connexes, annexes et contemporaines ne pourraient subsister qu’en s’adaptant à leur temps. Et partant, en s’entremêlant allègrement, quitte à se métisser (souvenez-vous du slogan: la République est comme une mobylette, elle carbure au mélange). Chacun de son côté de la railway line, Paul Butterfield, les Allman Brothers et Freddie King mirent ce précepte en pratique dès la fin des sixties, mixant jazz, funk et gospel en un même creuset, pour aboutir à ce gumbo fumant que la Nouvelle-Orléans comprit illico, tandis que les ayatollahs et autres grenouilles de bénitiers s’étranglaient la bave aux lèvres dans leur prêchoir. Fomentant la fake-news absolue selon laquelle le blues se devait de rester “pur” (et pourquoi pas consanguin, tant qu’on y est?), ces tenants de la Vérité n’en échouèrent pas moins à l’isoler dans un revivalisme sans fin, mais en jetèrent par dépit l’anathème sur tout ce qui ne présentait pas l’ADN idoine pour leurs tympans sclérosés. Jeune étudiant sur le campus de Chicago, Bruce Iglauer n’en avait rien à battre, de ces aigris. Fraîchement émoulu de la Lawrence University d’Appleton, Wisconsin, il ne se fiait qu’à sa propre sensibilité et à sa testostérone. Muni de ces deux indicateurs, il exfiltra maints iconoclastes et mécréants des clubs mal famés où l’ostracisme des puristes les confinait, pour en propulser une conséquente bordée sur le circuit des festivals internationaux. Son label célébre cette année son cinquantième anniversaire, et son viatique demeure le même: if it’s groovy, soulful and shakin’, we’ll sign it, no matter what you call it. C’est précisément cette politique qui vaut au Chicago blues actuel de connaître un nouveau printemps, par la grâce de révélations telles que les jeunes Christone “Kingfish” Ingram ou Selwyn Birchwood. Qu’il ravive l’ombre de Howlin’ Wolf en lui infusant son comptant de slide au kérosène (“Freaks Come Out At Night”) ou encore (tiens donc), ce funky blues fiévreux et cuivré que popularisa Freddie King (“I’ll Climb Mountains”, “Revelation”, “Searching For My Tribe”, “Through A Microphone” et la plage titulaire), ce dernier s’avère à la fois le fidèle continuateur et le briseur de barrières qu’incarnèrent ses prédécesseurs parmi les plus innovants. “I Got Drunk, Laid And Stoned” dresse ainsi un pont fumant entre Bukka White et Gov’t Mule, tandis que “You Can’t Steal My Shine” en fait autant pour Hank Ballard et Joe Louis Walker. Diunna Greenleaf s’invite pour duettiser avec Selwyn sur le savoureux shuffle “Mama Knows Best”, tandis que “She’s A Dime” mâtine le vintage soul swing des Impressions d’une touche ragtime, et que “One More Time” convoque l’ombre du grand Sam Cooke. Sous la houlette du sorcier Tom Hambridge, avec le soutien de son imparable stage band et un jeu de guitare synthétisant ceux de Jeff Beck, Melvin Taylor et de maîtres moins connus tels que les regrettés Fenton Robinson et Luther Johnson, Birchwood incendie ici tout ce qu’il aborde. En 13 originaux (et pas une seule reprise), il le confirme sans équivoque: blues is here to stay. Tornade en vue!
Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder
PARIS-MOVE, January 14th 2021
::::::::::::
Convenons que rien que le nom du label nous évoque, tout de suite, quelque chose de très fort, ‘Monsieur’ Bruce Iglauer n’accueillant dans son label que des gens dont la qualité est passée à la vitesse supérieure. Ce qui se confirme encore lorsqu’on apprend que le producteur de cet opus n’est autre que Tom Hambridge. Encore une sommité dans le domaine…
Selwyn Birchwood est né à Tampa, en Floride, et il a été vainqueur de l’International Blues Challenge de Memphis. Cela vous positionne déjà quelqu’un, n’est-ce pas? C’est lui qui a composé les 13 titres alignés sur l’album. Il est au chant, à la guitare, à la Lap Steel et au Glockenspiel. Son équipage se compose de Regi Oliver aux sax ténor, alto et baryton, qui joue également de la flûte Piccolo, Donald “Huff” Wright est à la basse, Philip “Squeak” Walker à la batterie et Walter “Bunt” May aux claviers, Hammond B3, Wurlitzer et piano. Le producteur Tom Hambridge est dans les chœurs sur trois titres, tout comme Diunna Greenleaf sur “Mama Knows Best” et Cece Teneal sur “One More Time”. Rien n’est évidemment à jeter sur cette galette! Un très grand de la guitare se fait écouter ce soir et on n’est pas déçu! Entendu que l’on sait d’où cet opus arrive et que l’on a compris que les musiciens ne sont ni des néophytes ni de jeunes perdreaux de l’année, on ne peut qu’être comblé avec ce disque. Et ce n’est pas la slide sur “Freaks Come Out At Night” qui me démentira! On sent dès le début de la galette que l’on a droit ici à quelque chose de puissant, et lorsque l’on s’aperçoit que loin de s’atténuer au fil des sillons, les derniers morceaux, tout au contraire, s’emballent et montent en intensité. Avec Selwyn Birchwood vous écouterez un très bon chanteur qui excelle aussi bien à la guitare électrique qu’à l’acoustique. Et qui est aussi bon dans les morceaux de blues pur jus que créatif dans des ballades qui sonnent plus folk!
Dominique Boulay
Paris-Move & Blues Magazine (Fr)
PARIS-MOVE, February 3rd 2021
:::::::::::::::::
OFFICIAL MUSIC VIDEO: Selwyn Birchwood – Living in a Burning House:
Page Facebook de Selwyn Birchwood ICI