Blues-Rock |
Natif de Greenwood, Mississippi, Hubert Sumlin (1931 – 2011) fut le guitariste emblématique et dévoué du regretté Howlin’ Wolf, de 1955 jusqu’à la disparition de ce dernier en 1976. Bien que timide et effacé dans la vie courante, ce maigrichon à grosses lunettes fit forte impression auprès de maints autres gringalets britanniques, qui déchiffraient scrupuleusement son jeu sur les disques Chess de son patron. Au nombre de ces scrutateurs zélés, on dénombrait ainsi certains Eric Clapton, Jeff Beck et Jimmy Page (soit la sainte trinité des Yardbirds), mais aussi Brian Jones, Keith Richards, Kim Simmonds, Stan Webb, Tony McPhee et Peter Green. Originaire de Floride, le guitariste et chanteur Sean Chambers officia en tant que guitariste et band leader de Sumlin cinq ans durant (de 1998 à 2003), et figura en guest sur l’antépénultième album de ce dernier, “About Them Shoes”. Sans surprise, cet album-hommage à un tel guitar-master de l’époque dorée du Chicago Blues ne peut consister qu’en un florilège du répertoire du Wolf (dont les deux tiers furent composés en leur temps par Willie Dixon, éminence grise des studios Chess). Mais tandis que le style originel du Wolf (pétri de Delta blues, mais magnifié par l’électricité et l’ambiance survoltée des clubs du South Side) s’avérait déjà tonitruant, sa transposition sous les doigts de Chambers prend une tournure résolument plus blues-rock. Il faut préciser que les références du jeune Sean oscillaient à ses débuts entre Johnny Winter, Jeff Healey, Walter Trout et Jimi Hendrix, et qu’aussi dévote et sincère que puisse s’avérer sa démarche présente, on ne change pas si facilement les rayures du zèbre! Résultat: dès le “Chunky” instrumental d’ouverture, et surtout la cover de “Do The Do”, on se trouve presque davantage en présence d’un hommage au Jeff Beck Group première mouture qu’en celle d’un album de Chicago Blues stricto sensu. Une fois ce prévisible décalage admis (d’ailleurs, qu’aurait-on glosé si Sean Chambers s’était essayé à sonner noir?), cet album se déguste sans déplaisir. La présence des claviéristes Bruce Katz (sur tous les titres, sauf deux) et John Ginty (sur les précités) contribue à arrondir le son de l’ensemble, tandis que la section rythmique (Andrei Koribanics, bass, et Antar Goodwin, drums) accentue le côté funky de la force (“Rockin’ Daddy”, ou ce “Hidden Charms” qui vire au galop skynyrdien). Ce sont sans doute les titres lents qui diviseront le moins les puristes et les rénovateurs (ces “Going Down Slow”, “Taildragger”, “Sittin’ On Top Of The World” et “Louise”, ravivant les souvenirs encore chauds de Clapton circa BluesBreakers, avec un Bruce Katz au firmament). Mention spéciale toutefois aux versions de “Forty-Four” et “Howlin’ For My Darling”, dont la claudication rythmique et la fidélité aux arrangements initiaux constitueront les sommets du disque pour tout fan de Chester Burnett. Où qu’il se trouve désormais, Hubert ne pourra qu’opiner…
Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder
PARIS-MOVE, July 12th 2021