SARAH McCOY – Blood Siren

Blue Note / Universal
Blues

Il doit bien exister quelque part une forme de paradis, du moins pour cette engeance particulière que constituent les divas torturées. La preuve: Nina Simone et Amy Winehouse viennent d’enregistrer ensemble le disque de l’année. Allez, bas les masques et n’essayez pas de nous la faire: ce piano où se mêlent jazz, blues et références classiques, c’est vu. Quant à ce chant tour à tour tendre, blessé et impavide (cette façon de lever le menton en appuyant sur le dernier vers, dans le refrain de “Fearless”, par exemple), ne l’avait-on pas déjà ouï auparavant? Alors certes, on l’avait un peu repérée, la McCOY, depuis ses premières incursions hexagonales, il y a cinq ans. Son jeu de scène exubérant, tandis qu’elle beuglait son blues de bastringue en maltraitant un piano qui n’en pouvait mais. À l’époque, son look de camionneuse échappée du carnaval de Dunkerque tranchait avec le feeling aussi déchirant que tonitruant, par lequel elle emportait ses auditoires jusqu’au tréfonds d’une New-Orleans hantée. Certains critiques éberlués en parlaient alors comme d’une attraction foraine… Pour faire court, elle a depuis emménagé en région parisienne, où l’a incitée à s’établir un pygmalion pas bégueule du nom de Chilly Gonzales. Avec Renaud Letang (Feist, Birkin, Charlotte G…), ce dernier s’est attaché à accoucher de cette furie un origami de sensibilité écorchée. Aussi sombre que sa pochette, cet album perpétue, tout en le sublimant, l’esprit barrelhouse des prestations scéniques de la donzelle. Seulement, ses producteurs sont parvenus à la persuader qu’elle n’a désormais plus à forcer le ton pour surmonter le brouhaha des clubs enfumés où elle se produisait jusqu’à récemment encore. Et le résultat s’avère bouleversant: simplement accompagnée d’un piano dont elle maîtrise les plus ultimes subtilités, elle déverse dès la plage d’ouverture un spleen poisseux dont on se défait qu’à regret. Des mots de vengeance froide pour les blessures endurées (“Boogieman”, “Mamma’s Song”, “Ugly Dog”) y côtoient des chants de frustration assumée (“Hot Shot”, “Someday”, “I Miss Her”). On aurait eu pour seul regret l’absence de ces gospels sauvages dans lesquels elle se lance souvent sur les planches, sans le transcendant “Devil’s Prospects”, rappelant sur stompin’ feet, clappin’ hands et chœurs lugubres tout ce que le “We Will Rock You” de Queen doit au genre. On a rarement croisé album si intimiste et ravageur à la fois. Foncez!

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

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“Boogieman” by SARAH McCOY est dispo sur les plateformes habituelles: ICI

“Boogieman” by SARAH McCOY, from the album “Blood Siren”, on YouTube: HERE