Folk, World |
Admise aux Beaux-Arts à l’âge de 19 ans, Sarah Lenka décida finalement de tout plaquer pour s’installer à Londres. Elle s’inscrit alors à la London School Of Music, et commença à se produire au sein de diverses formations trip hop et folk… Rentrée à Paris cinq ans plus tard, elle y rencontra le pianiste Florent Gac et le batteur David Grébil, qui devinrent ses premiers partenaires sur scène. Elle investit alors les planches du Sunside, où elle piqua l’attention de Jean-Michel Proust, pour rencontrer ses premiers succès lors du Festival d’Enghien en 2007, avant de remporter le prix de la meilleure artiste féminine décerné par la SACEM. Signée chez E-Motive Records, elle publia son premier album, “Am I Blue” en 2008, pour enchaîner les concerts. Un second, “Hush”, vit le jour en 2012, suivi de deux autres (“I Don’t Dress Fine” en 2016 et “Women’s Legacy” en 2019, tous deux chez Musique Sauvage). Sur ce dernier, elle rendait hommage aux femmes asservies par la prison, l’esclavage, la ségrégation et la domination masculine, au fil d’un répertoire lié à la lutte pour les Droits Civiques, via certains field recordings réalisés par Alan Lomax sur des plantations et dans certains centres de détention. Cette fois, c’est à son propre héritage familial qu’elle se réfère, en évoquant certaines de ses aïeules victimes collatérales du patriarcat et du déracinement. Toutes issues de la région berbère du Mzab en Algérie (et disséminées au gré de leur diaspora en Espagne, en France ou en Argentine), Sarah s’attache ici à leur prêter sa voix pour raviver leur mémoire collective, issue de leurs luttes et de leurs traditions, afin de restaurer leurs histoires enfouies par la méconnaissance et l’oubli. Sous l’ingénierie experte de Jean Lamoot (Bashung, Mano Negra, Laurent Benitah, Chico Cesar), et avec le support précieux de Taofik Farah (mandole et guitare acoustique), Laurent Guillet (guitare, chœurs et direction artistique), Yoann Serra (batterie) et Kahina Ouali (chœurs et percussions), la Lenka livre ici son œuvre la plus intime, renouant au fil de ces dix plages avec autant de chaînons manquants de sa généalogie. Si Érik Truffaz et Naïssam Jalal prestent leurs flûtes respectives à deux titres, la couleur générique de cet opus s’ancre résolument dans un folk teinté de world, où le timbre vulnérable et subtilement voilé de Sarah nous touche au plus profond. Si le “Grace” de Jeff Buckley vous mit un jour sur le flanc, préparez-vous donc à une tendre secousse de la même amplitude. Qu’il est sourd et puissant, le poids de l’exil…
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, December 15th 2024
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