Santana – Santana IV

Santana IV records / Modulor
Rock

Sur le papier, ça semble le plus gros coup marketing depuis la fugace réunion de Cream en 2005: quatre membres historiques du Santana Band des tout débuts se joignent à leur ex-leader éponyme pour LA reformation de la décennie! Problème, ce genre d’entreprise peut s’avérer d’autant plus décevante qu’elle suscite d’espoirs démesurés. Et en entamant l’écoute de la rondelle, on ne peut réfréner quelques sentiments mitigés: si les percus de Mike Carabello, l’orgue funky de Gregg Rolie et le drumming chaloupé de Mike Shrieve sont bien de retour, et si la guitare de Neal Schon revient flirter avec celle, si caractéristique, de ce bon vieux Carlos, qu’en est-il de l’âme du groupe originel…? La dernière fois que ces cinq-là travaillèrent ensemble (en 72-73, pour les albums "Santana III" et "Caravanserail"), le mot d’ordre était groove, expérimentation et spiritualité. Le nouveau single, "Anywhere You Want To Go", a beau afficher de faux airs de "Oye Como Va", on peine de prime abord à reconnaître l’esprit qui animait ces lascars quatre décennies auparavant… Et puis déboule ce lancinant "FillmoreEast", avec sa touche raga façon Grateful Dead. Un instrumental aérien, comme l’album en recèle quelques autres encore ("You And I", "Echizo"…), qui restitue la magie originelle que l’on croyait perdue. Qu’importe dès lors cette vaine tentative de restaurer "Samba Pa Ti" via le lyrique "Suenos", les rythmés "Love Makes The World Go Round" (avec Ronald Isley en guest vocalist), "Choo Choo" et autres "Caminando" relancent avec panache la sarabande d’antan. Et l’on pardonne à "Blues Magic" ses lourdes oeillades à "Black Magic Woman", tant le timbre vocal de Rolie et la guitare de Carlos parviennent à y ressusciter ceux du regretté Peter Green. Au bout du compte, et sans hurler pour autant au génie ni à la résurrection, une réjouissante surprise, qui ne manquera pas de faire rouler quelques larmes d’émotion sur les joues des nostalgiques. Disponible en CD et en double LP, un retour aussi inattendu qu’inespéré. La tête haute, et les hanches toujours aussi alertes.

Patrick Dallongeville
Paris-Move / Blues Magazine / Illico & BluesBoarder

Santana