SAN PEDRO SLIM – In Times Like These

Mojo King Music
Blues

Prétendre que David Kiefer (alias San Pedro Slim) est l’un des secrets les mieux gardés du west-coast blues relève presque de l’euphémisme : voici seulement son quatrième album en un quart de siècle ! Le premier (“Another Night On The Town”, produit et accompagné par Rick Holmstrom, et publié voici vingt ans déjà sur le label batave Tramp) eut beau produire son petit effet, il lui fallut pas moins d’onze ans pour se doter d’un successeur. David avait entretemps remisé Slim au rancart, pour endosser l’anonymat d’un job alimentaire. Un gâchis que ne pouvait tolérer le cercle de ses admirateurs, au rang desquels figurent quelques quidams aussi anodins que Rod Piazza, Kim Wilson et Kid Ramos. Comme ses prédécesseurs, “In Times Like These” offre la parfaite combinaison des talents conjugués de son auteur : chant assuré et légèrement voilé, jeu d’harmonica aussi expressif que fermement ancré dans la veine de glorieux aînés tels que George Smith, Charlie Musselwhite et William Clarke, et conscience assumée que le meilleur instrumentiste n’est que peu de choses s’il n’a rien à raconter. Ses motifs narratifs s’articulent autour des galères vécues par le musicien trop sincère et passionné pour savoir gérer une carrière professionnelle à plein temps. Entre ses engagements hebdomadaires au Godmother’s Saloon de son bled, San Pedro Slim partage donc avec l’auditeur les aléas du logement précaire, des visites chez l’usurier et de l’instabilité matrimoniale. La différence majeure avec Charles Aznavour réside non seulement dans la dérision sous-jacente au propos, mais surtout dans les formes musicales embrassées. Après s’être inscrit à ses débuts dans la ligne jump-swing alors largement en vogue, San Pedro Slim diversifie désormais sa palette, depuis le lascif funk d’ouverture (“Down on Pacific”, “I Was Wrong”, “No Overtime”) jusqu’au tex-mex (“Going To See Mr Lee”, que n’aurait pas renié Willy de Ville), en passant par la southern-soul façon James Carr (“Valentine’s Day At A Motel”, “It’s Over”, “Give It Time”) et la Louisiane de Slim Harpo (“You Must Think I”m A Fool”). Le Chicago blues s’exprime à mid-tempo (“Low Pay Loser Blues”, dans une veine proche de celle que pratique ces temps-ci Duke Robillard), adagio (“When You Hurt”, à l’harmo chromatique dans l’esprit de Rice Miller, avec la guitare alerte de Joe Conde évoquant celle du regretté Jimmy Dawkins), ou en shuffle millésimé (“Working For The EDD”, “Payday Loan”).
Entouré comme de coutume d’accompagnateurs à sa mesure, notre homme assure la livraison avec panache. Si, selon l’adage, tout ce qui est rare est cher, San Pedro Slim devrait s’avérer hors de prix !
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Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder
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