SAM BAKER – Horses And Stars

Autoproduction (Blue Lime Stone)
Americana

Après Ronnie Earl, Charley Crockett et Rod Picott, on va finir par me suspecter de collectionner les grands traumatisés avec ce Sam BAKER. Mais qu’y puis-je, si ce natif d’Itasca au Texas (en 54) figure parmi les rescapés d’un attentat ferroviaire perpétré au Pérou par le Sentier Lumineux en 1986…? Alors que ses sept compagnons de compartiment en repartirent dans des sacs mortuaires, Sam BAKER eut la chance (toute relative) de s’en sortir avec une hémorragie cérébrale, une artère sectionnée, trois doigts de la main gauche bousillés et les tympans flingués. Dès lors, son parcours ne pouvait qu’osciller entre dépression et résilience. Têtu comme un Texan, le bougre se remit à la guitare en y adaptant son handicap (inversant l’instrument de la position droitière à son opposé), et tant qu’à faire, entama parallèlement une carrière d’artiste peintre (ce sont ses œuvres qui ornent la jaquette du présent CD) et d’écrivain. Cet album (son sixième en quinze ans, et le quatrième autoproduit) s’avère son premier live, et son enregistrement n’était initialement pas destiné à publication. Capté sur un seul et même concert à l’Imagine Center de Buffalo le 20 juillet 2018, il présente Sam dans le plus simple appareil: juste sa voix, sa guitare, son harmonica et sa semelle gauche battant la mesure sur une planchette au sol. Dès “Boxes” qui ouvre le set, on est saisi par ce timbre voilé marmonnant une lullaby poignante à propos de ces cartes de Saint-Valentin qui énoncent: “je t’aime, c’est écrit dedans”. Et dès “Thursday” et “Angel Hair”, on comprend pourquoi d’aucuns peuvent prendre le volant et conduire des heures pour assister à ses prestations. Ce type s’avère un conteur de premier rang, le genre de troubadour populaire dans la veine de Woody Guthrie, Pete Seeger, Townes Van Zandt et, oui, Bob Dylan. Le genre aussi à égréner des vers de 24 pieds tout en parvenant à maintenir l’attention de l’auditoire, par la grâce de ce don que constitue l’ancrage dans l’expérience vécue. D’où ce foisonnement de détails et de références au quotidien des vraies gens. D’où cette capacité à parler de l’alcoolisme (“Iron”: “elle sut qu’il ne mentait pas quand il parlait de mensonge”), d’instinct de survie (“Same Kind Of Blue”) et de migration forcée (“Migrants”, “Odessa”), sans prêchi-prêcha ni moralisme, mais avec une malice et une humanité auxquelles on ne peut que se rallier. Son autobiographique “Broken Fingers” (obligatoire à chaque gig) et le pénétrant “Waves” (digne du “Blood On The Tracks” de Zimmerman) justifient à eux seuls que l’on se rue sans plus attendre vers ce diamant brut. C’est quoi déjà, ce poncif éculé de “secret le mieux gardé”? Spread the news!

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, August 7th 2019

SAM BAKER – Horses And Stars: un album chroniqué par nos amis de Americana UK (et donc en anglais), et c’est ICI

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