Salim Jah Peter – Hold Up de Pouvoir

Autoprod.
World Music
Impossible déjà de ne pas se poser de question en découvrant le titre de l’opus: ‘Hold Up de Pouvoir’. C’est direct et violent, surtout que la photo de la pochette montre l’artiste torse nu, le poing levé.
Impossible donc de passer à côté de pareil album. Alors on le glisse dans le lecteur. Le premier titre, le même que celui de l’album, est clair et sans langue de bois : Salim Jah Peter parle de hold-up du pouvoir, faisant référence à cette modification de la constitution obtenue via un référendum très controversé, le 4 août 2009, permettant au président du Niger, Mamadou Tandja, de briguer un troisième mandat alors même que selon la Constitution il ne pouvait briguer ce fameux troisième mandat. Et lorsqu’à la fin de la chanson on entend la voix d’une enfant vous dire ‘Pourquoi certains présidents africains ne veulent plus quitter le pouvoir. C’est dommage, non ?’, on ne peut s’empêcher de se reposer des questions.
Des questions auxquelles Salim Jah Peter chante avec ses mots des éléments de réponses, et en français: les arrestations illégales, la peur, tout ce qui pourrit l’Afrique de l’intérieur.
Des questions que le chanteur pose encore dans le second titre, ‘Les vautours’, une chanson qui fait référence à son album enregistré en 2005, un an après s’être installé à Paris, ‘Les vautours’. Il chante, il hurle ‘Le peuple a faim !’ avant de lancer ‘Les politiciens, vous avez tout détourné!’, dénonçant la corruption et l’injustice.
 
Né en juin 73 à Niamey, Salim Jah Peter fut élevé au son des chants traditionnels chantés par sa grand-mère maternelle, Fatima, au bord du fleuve Niger, à N’Dounga Kollo. C’est son parrain, Lenny Garden, métis afro-américain en poste à Niamey, qui va déceler les talents artistiques du jeune Salim qui forme en 1990 le groupe de danse New Generation. Deux mots qui traduisent déjà tout l’espoir que porte en lui le jeune Salim Jah Peter et cette nouvelle génération à laquelle il croit profondément.
L’année suivante, il rencontre Féla Kuti au Nigéria. Une rencontre qui va l’inciter à prendre la route, celle des artistes, et traverser l’Afrique de l’Ouest, jusqu’en Côte d’Ivoire. De 1994 à 98 il chante avec le groupe Mystic Vibration, rencontre Alpha Blondy, Rita Marley, Lucky Dube et beaucoup d’autres.
 
Après avoir une nouvelle fois repris la route avec un nouveau groupe, ‘Mystic Ténéré’, il revient au Niger et sort en 2003 son premier single, ‘Le message de Jah’. Un an plus tard il est à Paris et en 2005 entre en studio pour enregistrer l’album ‘Les vautours’, qui sort au Niger, tout d’abord. En 2008, face à la détresse de son peuple, de ses frères de sang, Salim interrompt la sortie de son album en France pour enregistrer un single en collaboration avec l’association Planète Humascène et le groupe touareg Toumast un single, ‘La paix au Niger’, appel à la paix entre le gouvernement et les rebelles. Une chanson que vous retrouvez dans cet album et qui semble avoir été écrite depuis des lustres pour nombre de pays africains. Une chanson cri du cœur qui dérange, tout comme cet album, ‘Hold Up de Pouvoir’, dérange. Surtout que le chanteur n’hésite pas à faire référence à des événements historiques récents au travers, par exemple, de ‘One Day Obama’.
Un album qui dérange tellement que trois des promoteurs de Salim Jah Peter au Niger ont été arrêtés par les autorités et que des distributeurs de ses disques sont en fuite. Salim Jah Peter a beau chanter ‘La paix au Niger’, rien n’y fait, car les vautours sont toujours en place et le sida, comme la famine, tuent sans même que les armes aient à parler.
 
Bel hommage, en milieu d’album, à Jean Rouch, cinéaste et ethnologue français décédé en février 2004 au Niger, et pour lequel Amadou & Maryam se sont associés à Salim Jah Peter. Une chanson dans laquelle les artistes et à travers eux tous les nigériens crient leur peine et leur amour pour cet homme de cinéma, lauréat du Prix international de la paix en 1993 et qui trouva la mort sur une route du Niger. Lui qui avait demandé à être incinéré repose dans une tombe d’une simplicité similaire à celle dont il faisait preuve, le Niger interdisant en effet les crémations.
Un Niger que Salim Jah Peter a dans la peau, dans le cœur, et pour lequel il chante ‘Unité nationale’. Un message d’une force et d’un amour sans limites, indestructibles. En espérant qu’un jour cessera cette forme de ‘Hold Up de Pouvoir’.
 
Un disque fort, à ne jamais ranger. Du moins tant qu’il y aura des hold-up de pouvoir.
 
Frankie Bluesy Pfeiffer
www.myspace.com/frankiebluesy
Salim Jah Peter