RUEN BROTHERS – All My Shades Of Blue

Ramseur Records / Modulor
Pop

Il n’y a pas si longtemps, le tandem Collin-Mauduit animait sur France-Inter une émission appelée “Personne Ne Bouge”, qualifiée par ses auteurs de “rétro-futuriste”. Au premier abord, la pochette de ce premier album des RUEN BROTHERS les relierait plutôt (comme naguère celle du premier Kitty, Daisy & Lewis) à cette vague rétro tout court, qui, comme la marée, revient inlassablement accoster nos rivages depuis… oh, depuis presque toujours, en fait. À l’écoute de leur “Make The World Go Away”, l’affaire semble entendue: un pastiche étonnamment crédible de la geste des Everly Brothers. Sauf que le reste de leur palette outrepasse largement ce format restreint. Ainsi de la plage titulaire, saisissant artefact à la manière des Moody Blues de 67, ou de “Finer Things”, “An Evenig Dreaming”, “Aces” et “Motor City” (manifestes soul néo-mods comme Paul Weller en accouchait au temps du “The Gift” de Jam). Pas un hasard si le regretté Ian McLagan officie ici, pour ce qui pourrait bien s’avérer son ultime session. Ni non plus si Chad Smith (drummer des Red Hot Chilli Peppers) s’adonne à y recycler moult fills façon Keith Moon/Kenney Jones. Mince, Steve Marriott doit s’en retourner dans son urne funéraire! Essayons toutefois de demeurer factuels. Les RUEN BROTHERS sont certes frères, mais leur véritable patronyme est Stansall (et leurs prénoms respectifs Rupert et Henry). Biberonnés à la collection de LPs de leur paternel, ils répétaient dans leur cuisine familiale à Scunthorpe (North-Lincolnshire, England). Ce n’est qu’en déménageant à Londres que leur destin bascula. Rick Rubin capta leur premier single autoproduit en laissant traîner ses grandes oreilles sur la plateforme internationale de la BBC. Le reste, selon la formule éculée, appartient à l’Histoire: le légendaire producteur leur booka son studio Shangri-La (à Malibu), et tels deux Cendrillons des temps modernes, leur façonna des arrangements spectoriens sur mesure. Quelques titres (“Vendetta”, “Strangers”) portent également la marque et le pathos de Roy Orbison, et nous confirmons donc l’épithète: rétro-futuriste, indeed!

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder