| Americana, Blues-Rock, Rhythm 'n' Blues |
Pour son septième album studio à ce jour, ce guitariste et singer-songwriter de Saskatoon (Canada) est allé s’enfermer quatre jours durant au sein de l’historique (et exigu) Sam Phillips Recording Service à Memphis (d’où son titre). Sur les dix plages qu’il y propose, Ross Neilsen en signe quatre seul et en co-signe cinq autres, car chez cet émule du grand Steve Earle (auprès duquel il étudia le songwriting il y a dix ans), le storytelling prime sur l’esbroufe. Grâce aux bons offices d’un compétent staff local (John C. Stubblefield, basse, Jay Sheffield III, drums et Rick Steff, par ailleurs claviériste de Lucero), augmenté à l’occasion des cuivres d’Art Edmaiston et Marc Franklin (Gregg Allman Band, Little Feat), ce disque bénéficie effectivement du son vernaculaire typique, comme en atteste le puissant “Rock Ranger” qui ouvre les festivités sur un ombrageux diddley beat, toute slide électrifiée et Hammond B3 dehors. Sur un riff rugueux que n’aurait pas dénigré ZZ Top, “Best For You” annonce l’enjoué (et approprié) “Road To Memphis”, qui déboule selon un zydeco beat zébré de slide en sustain. Porté selon un mid-tempo three-steps reggae, le timbre vocal de Ross prend pour “Salt & Sea” un ton de crooner façon Eric Stewart et McCartney, tandis que les cuivres lui tissent le moelleux tapis idoine. Prolongeant cet intermède soft-rock, le folky “Come To Be” exhale des parfums agrestes dont “Devil’s Picasso” sonne la trêve, en ranimant la flamme de l’electric boogie shuffle dans la veine des Foghat, Thin Lizzy et Wishbone Ash d’antan (twin guitars à l’appui). C’est dans l’esprit du cajun sound de Sonny Landreth que “Troubled Mind” sautille ensuite sur les balais de Jay, et outre sa performance vocale nimbée de l’écho maison, Ross y délivre un splendide solo de slide fumante. Seule cover du lot, le “Something Heavy” du bien trop méconnu Eddie Hinton s’avère une convaincante adaptation de la geste de ce regretté sorcier de Muscle Shoals. Ce disque chaleureux se referme en déclinant une dernière fois deux des pôles d’expression favoris de Ross: la ballade soul cuivrée et inspirée (avec “Good Enough”, millésimée Stax-Atlantic) et le folk orchestré pour le sensible “Bold & Beaten”. Un artiste sincère doublé d’un interprète inspiré, que l’on gagnera manifestement à suivre désormais de ce côté-ci de l’Atlantique.
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, November 28th 2025
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