ROSENTHAL – Simply 3 Chords In My Heart

Me & The Rose Production
Rock
ROSENTHAL - Simply 3 Chords In My Heart

Sur ce groupe vétéran de notre Côte d’Opale française, le temps semble étonnamment avoir produit l’effet inverse que chez la plupart de ses modèles. En effet, le cycle prédéterminé qui mène d’ordinaire les historiques formations de classic rock, depuis le foisonnement créatif de leurs fougueux débuts, jusqu’à son inexorable appauvrissement au fur et à mesure que les décennies s’empilent, opère à rebours en ce qui concerne Rosenthal. Formé dans le Dunkerquois il y a plus de quarante ans, celui-ci n’avait publié à l’origine qu’une poignée de 45 tours vinyles (judicieusement compilés ensuite sur le CD “It’s Time To Booze!”). Après diverses périodes de jachère et de projets parallèles, l’un de ses deux couples fondateurs relança la machine l’an dernier pour célébrer le 40ème anniversaire de la formation (avec le batteur Frédéric Hembert et le saxophoniste Pascal Loyer), et publia contre toute attente un album à tirage limité (le bien intitulé “Rock!”). Suite à l’engouement qu’il suscita, les Gadéa (Jean-Louis, guitare, chant, claviers, harmonica, composition, et Christine, basse et chant) accomplissent à présent un tour de force: proposer un concept-album, dans l’esprit de ce que produisait voici un demi-siècle leur groupe fétiche, les Who. Concept, certes, mais alors dans la veine sonore des premiers Jam et de Dr. Feelgood, puisque le créneau d’élection de Rosenthal demeure ce bon vieux pub-rock, dont Classics & Trouble et les Shaggy Dogs se revendiquent également les porte-étendards hexagonaux. À l’arrivée, outre 21 originaux de la plume de Jean-Louis Gadéa, on dénombre trois covers significatives: “Laisse Tomber Les Filles” de Gainsbourg (pour France Gall), traité ici façon “Brand New Cadillac” de Vince Taylor, “La La La Lies” de Pete Townshend (exhumé du premier album des Who, alors en plein trip mod), et “Baila La Pulga” d’un obscur groupe espagnol, Los Brincos. Les références ne manquent toutefois pas non plus parmi les originaux (ainsi du fulgurant “I Wanna Be Your Baby”, dont le riff doit beaucoup à celui du “Slow Down” de Larry Williams, ou encore des très Wilko Johnson “Keep On Dancing”, “You Can Me Love Me So”  et “I Have A Gibson Without A Case” – dont le titre cite par ailleurs le vers introductif du “I’m One” des Who). On songe aussi furtivement au rétro-yéyé parodique des Au Bonheur Des Dames (“Allez Luya”, “5 à 7” ou “Baby Jane”, sans relation avec son homonyme chez Feelgood), au Téléphone de “Dure Limite” sur “Tout le Monde S’en Fout”, “Allongé Sur Le Pavé” et “Seul (Autour De Moi)”, ainsi qu’à Lennon circa “Mind Games” sur “Liverpool”. Les mambos hispanisants “Sorry Mouse, Souris Moi” et “Le Trou” empruntent leurs castagnettes au regretté Willy De Ville, tandis que le funky “Who Makes Me Cry?” évoque les Stones des seventies backant Willie ‘Loco’ Alexander, et les imparables “Hey You !” et “You Got Alone”, les regrettés Dogs de Rouen pastichant les Small Faces. La mémoire des Pretty Things de 1965 est célébrée avec “I Want To Make Love With You”, “It Won’t Belong” et le proto-skiffle “No More Christmas” (guimbarde à l’appui), tandis que la plage titulaire conclut l’affaire sur un mid-tempo blues en 12 mesures. On nage en pleine uchronie: qui aurait imaginé que le rock puisse ainsi être perpétué à ce niveau par un quarteron de sexagénaires de Coudekerque-Branche? Coup de cœur branche, oui! Long live Rosenthal, it’s still time to booze!

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, October 13th 2022

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