Blues-Rock

Dans la longue chanson de geste du rock, 1971 demeure un millésime d’exception. Les Beatles, Hendrix et les Stooges avaient certes mordu la poussière, mais considérons tout de même la cuvée: les Flamin’ Groovies y sortirent “Teenage Head”, les Stones, “Sticky Fingers”, les Who, “Who’s Next”, Led Zep, le “IV”, et les Doors, “L.A. Woman”. Quant à Lennon et McCartney (désormais dissociés), ils publièrent respectivement “Imagine” et “Ram”, excusez du peu… Tandis que s’amoncelaient ces avènements aussi rutilants qu’indépassables, un frêle guitar-hero Irlandais de 23 ans pansait quant à lui ses plaies dans les faubourgs de Londres. L’année précédente, il triomphait pourtant au Festival de Wight à la tête d’un trio de légende, Taste, et à la même affiche que les Who, les Doors, Jethro Tull, Family et Jimi Hendrix. Mais les abus et l’incurie d’un management aussi cynique que funeste avaient eu raison de l’une des formations les plus prometteuses des seventies naissantes. Amer et désorienté, l’ironie voulut que Rory trouvât l’énergie de poursuivre sa route en adoptant pour section rythmique celle d’un irish blues band du nom de Deep Joy, dont le bassiste, Gerry McAvoy, devait l’accompagner trente ans durant. Quant au batteur, Wilgar Campbell, s’il ne devait pas dépasser les trente mois à ses côtés, il s’avéra alors le remplaçant le mieux indiqué pour succéder au fougueux et jazzy John Wilson. Reconduisant Eddie Offord (ingénieur du son ayant officié sur le second – et ultime – album studio de Taste, et appelé à collaborer ensuite avec des chantres du prog-rock tels que Yes), Rory aborda son premier album solo avec un souci de simplicité n’excluant pas certaines sophistications héritées de “On The Boards” (où il s’était notamment piqué d’associer à ses talents la pratique sporadique du saxophone alto). Si le blues-rock et le boogie électrique y persistaient avec panache (“Laundromat”, “Hands Up”, ou encore ce “Sinner Boy” rescapé du naufrage de Taste), le country blues bastringue (“Wave Myself Goodbye”) y côtoyait des plages folk réminiscentes de Bert Jansch et John Renbourn (“Just The Smile”, “It’s You”), ainsi que le renversant bossa-jazz “Can’t Believe It’s True”, et deux des plus étincelantes blues ballads de son répertoire, “For The Last Time” et “I’m Not Surprised” (avec le renfort bienvenu du pianiste d’Atomic Rooster, Vincent Crane). Cette édition augmentée, disponible selon trois options (la Deluxe comprend rien moins que trois CDs bonus gorgés d’outtakes et d’inédits, ainsi qu’un DVD retraçant l’intégralité de son passage d’alors à notre bon vieux Pop 2 sur l’ORTF) propose un mixage et un mastering revivifiés (la version vinyle d’origine ayant souvent pâti d’un pressage quelque peu dépourvu de relief). Sans pour autant prétendre rivaliser avec la foisonnante production ambiante d’alors, Rory n’en allait pas moins récidiver en novembre de la même année avec un second album dans cette veine, le non moins remarquable “Deuce” (dont on se prend à souhaiter une réhabilitation du même niveau). N’en déplaise à Liam, Noel et Johnny, nous sommes encore plusieurs millions sur cette planète à ne considérer qu’un seul Gallagher qui vaille. C’est que plus d’un quart de siècle après sa disparition, personne n’a jamais pu remplacer Rory. Retrouvez le donc ici au pinacle de son talent et de son éclectisme, avant qu’il ne se résolût à durcir le ton.

Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, September 2nd 2021

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Cinquanre ans de moins dans les dents, élève perturbé et perturbant, je me revois au lycée… La vie s’écoulait bon an mal an et une bombe est venue tout à coup perturber le cours plus ou moins tranquille de nos vies en devenir. Rory Gallagher venait de quitter Taste et le premier album sous son nom propre sortait. Il fit l’effet d’une bombe et l’opportunité de le voir en chair et en os était l’événement du moment à ne pas louper. Cela se passait à La Taverne de l’Olympia (le DVD est inclus dans le somptueux coffret 50th Anniversaty Edition!) et c’était pour l’émission Pop2. J’y étais (je me suis vu pendant la retransmission du concert!) et celui-ci a changé mon rapport à la musique et à tout ce qui allait avec! Rory est devenu alors inséparable de tout ce qui concernait ma vie d’alors. J’entrais en Blues pour ne jamais plus en sortir. Je prêtais l’attention au chant et à la voix, car de ce côté là, il n’y avait rien à dire. C’était juste parfait. Quelle capacité à nous émouvoir et nous toucher! Et que dire de la guitare et du bottleneck. Mon amour du goulot de bouteille vient de là! Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai repassé Sinner Boy dans mes enceintes… la stéréo faisant vibrer successivement les deux hauts parleurs. J’ai même commencé à porter des chemises chaudes à carreaux comme lui… Après, j’ai replongé dans la production de sa première formation et tout s’est ensuite poursuivi avec passion. J’ai approfondi ma connaissance des Cream, Groundhogs, Chicken Shack, Fleetwood Mac, John Mayall, Ten Years After, Savoy Brown… et j’en passe des centaines sous silence. J’ai même écouté différemment le saxophone, puisqu’il en jouait également!
Le coffret est magnifique! Des tas de photos… une interview de son frère, les textes des chansons… un menu complet à la carte fait pour rassasier toutes les sortes de fan, et pour en faire devenir! Et en plus de l’opus original, 3 CDs de prises alternatives ou même de titres qui n’ont pas été retenus, et le fameux DVD du concert. La mode est certes à la réédition de coffrets “Collector”, mais autant il y en a pas mal qui ne laisseront pas une empreinte inoubliable, autant il y en a d’autres qui marqueront les esprits et les âmes à vie. Ce coffret de Rory fait partie de la deuxième catégorie. Un superbe come back musical!

Dominique Boulay
Paris-Move & Blues Magazine (Fr)

PARIS-MOVE, September 26th 2021

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RORY GALLAGHER – 50th Anniversary Edition est à commander sur le site de Rory, ICI

RORY GALLAGHER – 50th Anniversary Edition est également proposé sur le site Super Deluxe Edition, ICI