RONNIE LANE – Just For A Moment (The Best Of)

Universal
Folk, Rock
RONNIE LANE - Just For A Moment (The Best Of)

Né un 1er avril (ça ne s’invente pas), Ronnie Lane connut la carrière sous-estimée du membre sous-estimé de l’un des groupes les plus sous-estimés du British Boom, les Small Faces. Il fallut en effet attendre la réhabilitation orchestrée par un Paul Weller, pour que ces seconds couteaux reçoivent enfin (mais trop tard) la reconnaissance qui leur échoyait de plein droit. Entre temps, Ronnie en avait avalé, des couleuvres… À commencer par la défection de cette diva de Steve Marriott, bientôt suivie de celle des Faces de ce paon de Rod Stewart. Deux groupes dont l’importance historique ne fut considérée à sa juste valeur qu’à l’approche de sa propre disparition. Issu d’une de ces familles dysfonctionnelles, mais néanmoins chaleureuses, dont l’East-London détenait la recette après-guerre (parlez-en donc aux frères Davies), ce brave Ronnie en avait hérité au moins deux caractéristiques marquantes: le sens de la fête d’abord, mais hélas aussi (comme le destin devait le démontrer), la sclérose en plaques. Le genre de saloperie héréditaire qui avait emporté sa mère, mais n’eut pourtant jamais raison de sa débonnaire jovialité. Près de 23 ans après sa mort, cette anthologie tente de rendre justice à l’une des personnalités les plus humbles (mais néanmoins charismatiques) de la scène brittonne des sixties et seventies. En 1973, lassé du cirque du show-biz, Ronnie Lane décida d’en monter un qui lui ressemblât enfin. Il fit l’acquisition d’une roulotte, de camions et d’un châpiteau, avec lesquels il sillonna la campagne anglaise avec femmes et enfants, à la tête de sa propre formation, l’ironiquement nommée Slim Chance. Une expérience communautaire en prise directe avec les racines folkloriques de la classe rurale et prolétaire anglaise (violons, dobros, accordéon et banjos à l’appui), qui ne tarda pas à se révéler le gouffre financier prévisible. Comme en attestent les 18 titres ici proposés, ce gâchis se limita “heureusement” à son aspect strictement comptable, puisque la musique qui en résulta traverse les ans sans s’affadir le moins du monde. En témoignent ici des chefs-d’œuvre tels que “Barcelona”, “The Poacher”, “Anniversary”, “April Fool” ou “Anymore For Anymore”. De fait, la carrière solo de ce bon Ronnie Lane concrétisait les promesses que George Harrison s’avéra incapable de tenir après “All Things Must Pass”: une forme de synthèse, à équidistance du flair mélodique de Badfinger (autres maudits devant l’Éternel) et de la culture agreste de Mickey Jupp et J.J. Cale. Si d’aventure vous désiriez savoir à qui Dire Straits vola la recette de la potion magique, cette compilation vous renseignera à bon compte.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, December 27th 2019