ROLLING STONES – Totally Stripped – Paris, L’Olympia 1995

Mercury / Universal Music France
Rock
ROLLING STONES

Comme pour le 11 septembre 2001 ou le 7 octobre dernier, il existe un avant et un après 24 août 2021. Pour ses fans les plus dévots, cette date restera en effet  marquée à jamais d’une pierre noire, puisque c’est à l’aube de ce funeste jour que nous perdîmes Charlie. Si les Stones avaient surmonté la disparition de leurs Brian Jones et Ian Stewart fondateurs, puis les départs successifs de Mick Taylor et Bill Wyman, nombre de ceux qui leur pardonnèrent tant d’écarts ne peuvent toujours pas les imaginer sans leur historique drummer. Et cela dépasse la simple fidélité affective: voyez donc les Who après Keith Moon, les Kinks sans Mick Avory ou Dr. Feelgood sans Big Figure: des estropiés. Voilà qui légitime en tout cas plus que jamais la vague d’exhumation de leurs archives dont nous abreuvent les Stones depuis un bon quart de siècle. Que ce concert de l’Olympia en juillet 95 en soit déjà à sa troisième customisation (l’ultime, puisqu’il s’agit cette fois de l’intégrale) ne parvient pas à étancher la soif de ceux auxquels les Stones sont devenus aussi indispensables que Johnny le fut pour les siens. Car désormais cacochymes, et bien qu’en passe de livrer un improbable 24ème album studio (ils en dénombrent davantage de lives), ce qu’il subsistait de frisson accroché au fantôme de leur légende s’est sans doute évanoui. Raison de plus pour nous plonger dans cette madeleine de Proust dont le packaging emprunte le sépia qui sied aux photos jaunies. Après un “Honky Tonk Women” introductif et de rigueur, suivi d’un “Tumbling Dice” chafouin, puis d’un “You Got Me Rocking” saignant à souhait (issu de leur “Voodoo Lounge”, alors encore chaud), et surtout d’un “All Down The Line” lancé à plein régime, notre gang de quinquas endurcis emportait l’adhésion d’un public de toute façon conquis d’avance. Entre le grotesque “Shattered” et un “Let It Bleed” convenu, la bande à Oncle Micksou glissait néanmoins un “Beast Of Burden” aussi digne que chaloupé, tandis que Ron Wood s’obstinait à y décliner davantage de grimaces encore que de fausses notes (sur Gibson Firebird). Palme du meilleur solo de la soirée à Keith, qui se transcenda sur son propre “Slipping Away”, même si pour “Wild Horses” et “Shine A Light”, ce sont Jagger et les supplétifs (les impérieux Darryl Jones, Chuck Leavell, Bernard Fowler et Lisa Fischer, sporadiquement augmentés du renfort de Don Was à l’orgue) qui sauvèrent les meubles, tandis que les cuivres en faisaient autant sur “Miss You” (ces derniers comptaient alors encore l’historique Bobby Keys). Et s’ils se soumettaient à l’exercice bluesy obligatoire (avec le “Down In The Bottom” que Willie Dixon offrit à Chester Burnett, dont il est permis de préférer l’antique version des Count Bishops, bien plus nerveuse), ce fut leur reprise du téléphoné “Like A Rolling Stone” de Bob Dylan qui recueillit le plus chaleureux plébiscite. Mentions spéciales du jury à l’enchaînement sauvage d’un “Midnight Rambler” et d’un “Rip This Joint” n’accusant en rien l’âge de leurs artères, avant l’estocade finale en quatre strikes: “Start Me Up”, “It’s Only Rock N’ Roll”, “Brown Sugar” et “Jumping Jack Flash” (avec Nicholson en transe au balcon). Au même registre mémoriel, nos grigous avaient descendu de son catafalque ce “Connection” roboratif datant de “Between The Buttons” (que Keith Richards rejouait depuis beau temps avec ses X-Pensive Winos), tandis qu’impassible derrière son Gretsch classic drum kit, un spectre bienveillant en orchestrait encore le pouls, esquissant de temps à autre un furtif sourire de complicité. Qui a écrit “While My Heart Is Still Beating”, déjà?

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, October 14th 2023

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