ROLLING STONES – Sticky Fingers Live At The Fonda Theatre 2015

Eagle Vision

À force de nous faire virevolter dans le temps, les “STONES FROM THE VAULT” provoquent parfois de sacrées surprises. Ainsi de ce concert au Fonda de Los Angeles, capté en…2015. Hein? Mais c’était il y a à peine deux ans! Je m’en souviens très bien, Obama était encore président, et chez nous, qui tenait aussi ce rôle, déjà? Mais de qui se moque-t-on? Ça, des archives?…? Ah, je comprends: à l’époque (?), les STONES reprenaient sur scène l’intégralité de “Sticky Fingers”, leur album de 1971. Il est vrai qu’alors, le skeud en question venait de bénéficier d’une édition augmentée d’inédits superfétatoires, et qu’il fallait bien en soutenir les (re)ventes. Les STONES s’avèraient dès lors le seul monument historique encore capable de se mouvoir, mais aussi d’en conserver quelque conscience (même diffuse). Alors peu importe que la plupart des protagonistes de l’album en question (Mick Taylor, Jim Price, Ry Cooder, Bill Wyman…) aient entretemps déserté le navire, ou encore, qu’ils soient plus prosaïquement décédés (Ian Stewart, Billy Preston, Bobby Keyes, Nicky Hopkins, Jimmy Miller, Jack Nitsche…). Et peu importe aussi ce parterre de pouffes péroxydées, siliconées et botoxées qui se dandinent aux premiers rangs. Pour une fois que leurs macs les sortent pour autre chose que tester le sound system de leur nouveau 4×4 avec le live de David Boulgour et Nique Ma Zone… Inconscient du danger (et donc du ridicule), Ron Wood a manifestement BOSSÉ à mort les licks de son prédécesseur. Malgré le trac qu’il confesse, cet inconscient se risque ainsi à reprendre le solo titanesque de “Can’t You Hear Me Knocking”. Épaulé dans cette entreprise par la sax viril de Karl Denson, force est de reconnaître que le bougre s’en tire avec la moyenne. Mais alors qu’ils font mine d’achever ce set sur “Brown Sugar” (“I said yeah, yeah, yeah, woooh !”), le proverbial grain de sable vient ensuite faire dérailler la machine. En guise de rappel, nos incorrigibles septuagénaires ont choisi de rendre hommage au récemment disparu B.B. King, avec une reprise de son “Rock Me Baby”. Il n’en faut pas davantage pour fissurer l’armure que l’on croyait infaillible. Tandis que l’indéfectible Charlie Watts attise le shuffle, les vieux chenapans qui prétendaient assurer à eux deux les trois quarts des parties guitare dont Slash ou Angus Young pourraient s’acquitter individuellement en baillant, les duettistes Ronnie et Keith se fendent, chacun à son tour, d’un solo à la fois concis et fulgurant. Le bloooze s’y répand de manière si impromptue que Jagger ne résiste pas à emboucher un de ces harmos qu’il gardait par devers lui depuis des lustres, et porter ainsi l’estocade. À ceux qui douteraient encore que ce soit bien eux qui jouent sur leur dernier opus, nous recommandons de visionner cette séquence. Ce n’est plus aux studios Olympic ou à Muscle Shoals à l’orée des seventies qu’ils remontent alors, mais bien au Crawdady de Richmond en 1963! Comme enragés par ce bloodshot, ces STONES entament alors une version insurrectionnelle de “Jumping Jack Flash”, dont seul Johnny Winter détenait jusqu’alors le record génocidaire. Ils parviennent à s’y hisser au niveau de celle des Flamin’ Groovies, ce qui ne constitue pas une mince performance à leur âge canonique. Clôturant en bonus sur une reprise torride de “I Can’t Turn You Loose” d’Otis Redding, nos cacochymes assènent le coup de grâce en forme de doigt d’honneur. L’occasion de troquer ce fameux logo à langue tirée dont ils s’affublent depuis bientôt cinq décennies pour celui d’un majeur brandi à la face de ce demi-monde branchouille, qui crut trop longtemps pouvoir les assimiler. Et si la punkitude ultime, c’était ça?
.
Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder
.