Power Pop, Rock |

Sur le papier, l’histoire a tout du conte de fées à la Cendrillon: un musicien anglais anonyme, terré dans nos Bouches-du-Rhône depuis 46 berges, enregistre enfin son premier album à l’âge canonique de 80 ans! Rembobinons un tantinet: “J’ai commencé la musique à la fin des années 50. Je m’en souviens car c’est à ce moment-là que j’ai vu Eddie Cochran et Gene Vincent en concert dans ma ville de Southampton. Je jouais dans un groupe de skiffle. Je me produisais presque tous les soirs. J’avais abandonné mon apprentissage d’ingénieur pour vendre des assurances, afin d’être plus disponible”, relate ainsi le dénommé Roger Godfrey… Après avoir quitté son Angleterre natale pour étudier aux États-Unis, ce dernier s’embarque avec son épouse pour un périple en Amérique Latine. Une vie nomade au terme de laquelle celle-ci lui avoue vouloir retourner à la civilisation… Le couple emménage alors à Aix-en-Provence, où il réside toujours, près d’un demi-siècle plus tard: “J’ai un groupe, ici, The True Ones. Nous célébrons notre vingt-cinquième anniversaire cette année. Je suis très content de jouer avec eux et j’avais abandonné l’idée de sortir un disque un jour“. Le COVID en décida autrement: “J’ai toujours fait de la musique pour le plaisir. Je jouais dans les pubs, les bars. Jusqu’à ce que je rencontre Jean-Michel Lamazou. Cet homme est devenu mon voisin. Je savais qu’il était chanteur de jazz. Durant le confinement, on s’ennuyait et on a fait des concerts ensemble pour les gens de notre résidence. Chaque jour, j’ajoutais une ou deux nouvelles compositions. Il m’a dit qu’il allait devenir producteur de musique et qu’il voulait que j’enregistre un disque dans de bonnes conditions“. Le Lamazou en question s’avère homme de parole, puisque sous son égide, Roger Godfrey est parti enregistrer au fameux Blackbird studio à Nashville, qui a vu défiler des stars comme Dolly Parton, Miley Cyrus ou Taylor Swift! “Le studio était génial. J’ai enregistré là-bas avec des musiciens de grand talent. Je pensais qu’ils allaient me prendre de haut, mais pas du tout. Ils ont apprécié ma musique. Même si Nashville est la capitale de la country, mon album ne sonne pas country mais plutôt blues-rock. C’est ça mes racines, c’est ce que j’ai toujours joué”. Par-delà ce scénario limite “Le Bonheur Est Dans Le Pré” rencontre “La Nouvelle Star”, cet album dix titres s’avère en fait une étonnante révélation. S’ouvrant sur le manifeste titulaire de circonstance, “Never Too Late” révèle, outre de riches arrangements dignes d’un McCartney (guitares et claviers à foison, et rythmique tour à tour subtile et d’airain), le timbre vocal étonnamment préservé d’un Roger in full bloom. Avec ses chœurs façon Beatles, son orgue zinzinant et ses arpèges carillonnants, “Only Fooling Yourself” évoque même la veine pop d’un autre expatrié anglais, le grand David Guez (chroniqué ICI et ICI). Sorti en single, “I Love You Anyway” pousse même le bouchon jusqu’aux rives du Costello de “This Year’s Model” (de même que “In Your Name”), tandis que l’hispanisant “Shhh Don’t Wake Me Up Just Yet” et “I Still Feel You Around” relèveraient quant à eux plutôt du Nick Lowe de “Jesus Of Cool”. Dédié à un ami souffrant, “Back In The Fight” s’avère un hymne à la résilience digne de Gerry Rafferty (et un hit potentiel), traversé d’un solo d’orgue consolateur pour se conclure sur un chorus de guitare gorgé d’espoir. Le tango “I May Never Go Back To Argentina” témoigne de la nostalgie de Godfrey pour le continent sud-américain, et le skanking “Let Me Be Your True One” sonne tellement Macca qu’on le jurerait échappé de “Tug Of War” ou “Flowers In The Dirt”. Roger ferme le ban en beauté, en rendant hommage à certains de ses amis disparus sur “The Guardians”, poignante ballade au piano à tirer des larmes. Laissons-lui donc la conclusion: “Je suis au 7ème ciel. C’est incroyable. On s’intéresse à moi. Je suis ébloui. J’avais bien sûr été déçu à certains moments de ma vie de n’avoir jamais sorti de disque, mais m’étais fait une raison“. Songwriter de grand talent, chanteur sensible et inspiré, Roger Godfrey témoigne ici qu’il est certains secrets que l’on ne peut garder éternellement pour soi. Welcome to the club, chap!
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, August 12th 2025
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Interview de Roger Godfrey par Pierre-Arnaud Jonard (Longueur d’Ondes)
Edition limitée : Roger propose un 7″ Vinyl 2 titres limité à 50 exemplaires seulement:
side A: “I Love You Anyway”
side B: “Shhh Don’t Wake Me Up Just Yet (Demo Version)”
A commander ICI