Rodney Branigan – 1 Man 2 Guitars

(Bad Reputation)
Blues
Si l’on place la galette dans le lecteur sans prendre le temps d’ouvrir la pochette et de découvrir qui est ce garçon, on risque fort de passer à côté de l’essentiel. Quand bien même aurait-on retenu le titre de l’album: 1 Man 2 Guitars. Un homme, deux guitares. Oui, et alors? Nous en connaissons certains qui en possèdent plus d’une centaine et qui n’en font pas pour autant des tartines, ou un opéra-rock.
 
Une fois lues les notes du digipack, on comprend ce à côté de quoi on a failli passer et on se met à écouter l’opus avec attention et curiosité. Un homme qui joue deux guitares, OK, on comprend mieux. Et faut reconnaître que le garçon possède une certaine dextérité, voire une dextérité diabolique en ce qui concerne la pratique de l’instrument.
Et le lascar n’est pas qu’instrumentiste, c’est aussi un auteur-compositeur émérite. Les compositions de ce Rodney Branigan, puisque tel est son nom, sont au nombre de dix et vraiment d’excellente facture.
 
Rodney joue vite, certes très vite, et l’on a vite fait de reconnaître des sonorités celtiques dans ce folk diablement contemporain. Relisez d’ailleurs le nom de l’artiste et vous comprendrez pourquoi!
Des influences espagnoles sont également prégnantes. Le garçon nous a également avoué, qui plus est, apprécier les rythmes des Caraïbes et ceux d’Amérique Latine. J’ai, l’espace d’un instant, pensé au fabuleux Monte Montgomery, sauf qu’ici Rodneyest seul à jouer, et à jouer de deux guitares à la fois. L’une qu’il tient normalement, posée sur ses cuisses, et l’autre, installée verticalement, sur le côté du corps de la première. Tantôt c’est au-dessus de la rosace de l’une qu’il rythme le morceau tandis qu’il joue sur le manche de la seconde, et parfois c’est le contraire. Il égrène ainsi les notes avec l’une tandis qu’il ponctue le morceau d’accords sur le manche de l’autre.
Et comme si tout cela n’était pas assez complexe pour lui, Rodney Branigan pratique aussi le slide et le corps de l’un des deux instruments peut devenir, l’espace de quelques instants, un instrument de percussion.
 
Vous comprendrez donc, quelle que soit la manière dont on peut essayer de décrire cela, qu’il s’agit d’une musique à visualiser impérativement…!!!
 
Le disque est à écouter et à réécouter attentivement mais plus que tout, ce qui est primordial, c’est d’aller le voir sur scène, quel que soit l’endroit où il se produit, car le show en vaut la chandelle. Quitte à traverser la France de part en part, car voilà ce que l’on appelle une ‘vraie’ découverte.
 
Un musicien contemporain aussi novateur que Boulez le fut en son temps.
 
Dominique Boulay
 
 

 

 
 
Des génies de la guitare, il y en a eu, de Hendrix à Zappa, et il nous en reste encore quelques uns, tels Joe Bonamassa et Eric McFadden. Ceci dit, il faut bien reconnaître que les surdoués ou les s’coués de la six cordes, on en trouve de plus en plus rarement, même en cherchant sous le coin du tapis où la femme de ménage de l’industrie de la zik glisse tout ce qui n’est pas conforme ou bien propre sur soi.
 
Mais voilà qu’un nouveau venu bien allumé se présente avec un premier opus sous le bras, Rodney Branigan. Son atout? Tout simplement jouer sur deux guitares à la fois. Non pas façon Jimmy Page, avec une guitare double manche, mais façon Rodney Branigan, avec deux guitares: l’une posée sur les cuisses et l’autre coincée entre les jambes.
J’en vois déjà qui écarquillent les yeux et d’autres qui rigolent, car pour avoir déjà joué sur une six cordes, vous savez ce que c’est. Alors deux… Surtout que le Rodney est comme nous tous, il n’a que deux mains.
 
Ceci dit, l’objet du délit est là, et bien là, sous forme d’un album de dix titres qui s’écoute presque sans surprise tellement on imagine avoir à faire à une formation traditionnelle de plusieurs musiciens jouant ensemble. Et c’est là que se situe le problème: à écouter sans savoir ou sans se poser la question de savoir qui joue, l’album est plaisant, agréable, et l’on se dit même qu’il manquerait presque de ces fins arrangements qui font d’un bon disque de folk ou de blues un excellent opus.
Mais lorsque l’on se plonge dans les notes du digipack et que l’on découvre que tout ce que l’on entend est le travail d’un seul guitariste, alors on n’hésite pas une seconde et on se remet l’album depuis le début, lui prêtant une autre oreille, plus attentive encore.
 
Et là, franchement, on se prend le second effet kiss cool, direct. C’est remarquablement bien joué et cela laisse sans voix, surtout si, comme moi, vous avez déjà usé vos phalanges sur une gratte. C’est limite démentiel et cela vous procure des vibrations incroyablement fortes. Plus que le simple mot de ‘talentueux’, c’est la dextérité phénoménale du garçon qui est ahurissante.
 
Sûr que les grincheux et frigides de la Strato ou de l’Ibanez vont vous dire qu’enregistrer cela en studio… Stop! Car dès le premier titre de cet album, ‘1 Man 2 Guitars’ le garçon vous met les choses au point car ce n’est pas un enregistrement studio que vous avez ici, mais du ‘live’, et en ‘live’, impossible de tricher ou de compter sur la technique pour vous aider.
Et que dire du second titre, l’hispanisant ‘Heading South’, sur lequel Rodney Branigan est absolument fabuleux, avec ce toucher de gratte qui rappelle celui de Steve Howe en solo, en acoustique, sur le cultissime album live de Yes. Un morceau sur lequel Rodney se paye, en plus, le luxe de chanter, comme si jouer de deux grattes est aussi simple que ça.
 
D’ailleurs tout l’album a été enregistré pendant deux mois de tournée aux USA (le garçon donne plus de 185 concerts par an) et il traduit parfaitement ce qui se passe sur scène quand le lascar joue de ses deux guitares. Les titres plus folk et les chansons plus tendres comme ‘Back To Strife’ et ‘She Bled’, alternent avec des pièces plus déjantées, comme ‘Pent Up Fear’ et ‘Heading South’.
 
Sur ‘Simpled Out’ et ‘The Trilogy’, Rodney nous gratifie d’un jeu complexe avec guitares et percus sur les caisses de celles-ci, comme si ‘Monsieur’ n’avait besoin de personne d’autre pour l’accompagner. Point qu’il va venir se faire un plaisir de me contredire avec ce superbe enregistrement de ‘Nice To See You’, chanson bourrée de tendresse et pour laquelle il s’est adjoint les services de Srith Horan à la basse et de Tim Snider au violon. Une chanson qui fait presque effet de moment de calme dans cet opus rempli d’une énergie folle.
 
Sur le dernier titre de l’album, ‘The Plagiarism Song’, Rodney nous réserve même une surprise de taille, alternant chant et paroles dites à la Jim Morrison, façon rap bien avant l’heure et tout cela sur fond de guitares jouées en duo. C’est énorme et cela rappellera bien des choses à tous ceux qui, comme moi, adorent les Doors. Un titre en ligne spirituelle directe avec Jim.
 
Un mot et un seul, pour qualifier cet ovni de la guitare qu’est Rodney Branigan: la révélation de l’année, voire de la décennie.
 
Frankie Bluesy Pfeiffer
www.myspace.com/frankiebluesy
Rodney Branigan