Blues, Soul

Qu’il semble loin le temps où l’on présentait les Black Keys comme les parangons du Blunk, ce supposé hybride au confluent du blues et du punk. Concept qu’un préposé au marketing avait sans doute trouvé dans une corbeille à papier après une soirée arrosée, et se référant alors à RL Burnside accompagné par Jon Spencer et ses sbires, ou encore aux White Stripes et Left Lane Cruiser. Depuis, le duo d’Akron, Ohio a explosé les charts indé (avant ceux des plateformes), et son leader et guitariste s’est imposé comme l’un des nouveaux moguls des scènes roots actuelles (jusqu’à produire le premier album posthume de Tony Joe White, tandis que son alter ego Jack White en faisait autant avec la survivante Wanda Jackson). Désormais à la tête de son propre studio – ainsi que du label afférent – Dan Auerbach peut pratiquement tout se permettre. Raison de plus pour s’arrimer plus que jamais à ses fondamentaux. Quand il repéra le vétéran Robert Finley (via son premier album sur Fat Possum en 2016), Dan y flaira d’emblée l’essence de ce qui distingue le deep stuff des vaines fabrications configurées selon l’air du temps. Pour leur troisième livraison commune depuis 2017, Auerbach et Finley persistent donc à approfondir le sillon qu’ils abreuvent de leur sang impur, quitte à proposer le même gumbo soul, blues et funk moîte qui en constitue l’ADN mêlé. Et dès ce “Livin’ Out A Suitcase” qui ouvre le ban, les références se bousculent. Entre Bobby Rush et ce talk-over initié voici un demi-siècle par Gil Scott Heron, ce titre s’évanouit presque trop tôt sur un solo de Auerbach, tandis qu’autour de nos comparses, on reconnaît quelques usual suspects (Patrick Carney, l’autre moitié des Black Keys aux drums, ainsi que Kenny Brown, compagnon de RL et Cedric Burnside à l’autre guitare). Le parallèle avec Rush se confirme sur les salaces “Sneakin’ Around” et “Can’t Blame Me For Trying”: même éructation rauque et virile, même ahanement funky, et cet harmonica fluet s’insinuant sournoisement parmi les interstices. On n’a aucune peine à s’y représenter les dames et demoiselles se déhanchant à l’avant-scène, tandis que le pauvre Robert n’y distingue hélas qu’une masse informe et ondulante. “Miss Kitty” s’avère à cet égard un quasi-inédit des Black Keys: riff surf, twist beat égrillard et cordes suintant le grease. Si ce n’est qu’aucun de ces deux lascars ne maîtrisera jamais le registre vocal qu’y déploie Robert Finley: du baryton au falsetto, il éructe comme le regretté Wilson Pickett au climax de sa turgescence! Tant qu’ils y sont, nos amis nous refont ensuite Edwin Starr (l’un des rares soul shouters Motown qui aurait mérité d’être signé chez Stax) avec “Waste Of Time”. Comme leur titre l’indique, “Gospel Blues” et le conclusif “Alligator Bait” instillent la dose de Mississippi Hills Country blues qui relève le cocktail. Bien que ne disposant pas à ce stade des liner notes, on peine à y distinguer lequel, de Auerbach ou Kenny Brown, assène ces choruses de slide gouleyante (probablement chacun son tour, de fait). Les ballades southern soul “Nobody Wants To Be Lonely”, “Lucky Day” et “You Got It (And I Need It)” ravivent les ombres de Clarence Carter et Chuck Jackson, tandis qu’en mode swamp façon “Suzie Q”, le single “What Goes Around (Comes Around)” nous ramène plus d’un demi-siècle en arrière, au temps où les frères Fogerty s’appuyaient sur un imaginaire marécageux (ce fameux bayou titulaire), ainsi que l’une des meilleures rythmiques du rhythm n’ blues blanc. Résolument plus soul que blues, un quatrième essai transformé haut la main par un artiste dans sa 70ème année: chapeau, en effet!

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, July 14th 2023

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Album à paraître le 27 octobre 2023

Concerts:
14 novembre: Salle Nougaro, Toulouse
15 novembre: VIP, Saint-Nazaire
20 novembre: Grand Mix de Tourcoing
21 novembre: La Maroquinerie, Paris
26 novembre: Le Fil, Saint-Étienne